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"C’est hallucinant": la décision du juge dans l’affaire Haouas révolte la Fondation des femmes

Présidente de la Fondation des femmes, qui agit pour les droits des femmes et la lutte contre les violences dont elles sont victimes, Anne-Cécile Mailfert fait part de sa colère dans l’affaire du rugbyman français Mohamed Haouas, dans "Apolline Matin" ce jeudi sur RMC et RMC Story.

"Un gros soulagement". C’est ce qu’a exprimé Imane Haouas, la conjointe du rugbyman Mohamed Haouas, après la décision du juge du tribunal de Montpellier de le condamner à un an de prison ferme, avec une peine aménageable, pour violences conjugales. Le joueur de 29 ans, international français, est ressorti libre. Le 26 mai, il avait frappé sa conjointe dans la rue, devant témoins. Il avait été interpellé et placé en détention provisoire dans l'attente de son procès en comparution immédiate. Imane Haouas, retrouvée terrorisée en pleurs par les forces de l'ordre, avait refusé de déposer plainte et avait refusé l'examen médico-légal. Elle s'était constituée partie civile à l'audience pour dire qu'il s'agissait de faits anormaux, mais également affirmer qu'elle voulait continuer de vivre avec lui. La procureure avait requis au total 18 mois de prison ferme avec mandat de dépôt et donc maintien en détention.

"Il faut comprendre les circonstances dans lesquelles elle est en train de s’exprimer, explique Anne-Cécile Mailfert, présidente de la Fondation des femmes, dans ‘Apolline Matin’ ce jeudi sur RMC et RMC Story. Il fait 1m85, 125 kg, il rentre à la maison. Vous pensez qu’elle va dire quoi à ce moment-là ? Qu’elle va dire ‘j’aurais préféré qu’il aille en prison’? Est-ce qu’elle a vraiment le choix de dire autre chose? L’emprise est un mécanisme extrêmement lié aux violences physiques. C’est un homme violent qui va être à la fois très gentil parfois, très doux, être le plus romantique de tous, et en en même temps diminuer la personne, lui dire ‘tu ne seras rien sans moi’, ‘tu ne surviras jamais sans moi’… Cela crée une sorte de dépendance et c’est très difficile de s’en sortir. Là, c’est probablement le cas, il va la convaincre qu’elle n’est rien sans lui. Même s’il y a cette emprise, quand un homme frappe une femme, en réalité il frappe la société. Il contrevient aux lois de la République français. Même si la femme pense à ce moment-là que c’est mieux s’il rentre à la maison, parce qu’elle ne peut pas survivre sans lui, la société se doit de réagir."

"Une personnalité et une situation extrêmement dangereuses"

Et Anne-Cécile Mailfert ne comprend pas l’absence de mesure de protection pour la femme de Mohamed Haouas. "Je suis atterrée, mais je ne suis pas surprise, assure la militante féministe, qui dirige cette association de pour les droits des femmes et la lutte contre les violences dont elles sont victimes. Des décisions comme ça, j’en vois passer tous les jours. Ce n’est pas le problème de ce juge-là en particulier. On a un problème avec le système judiciaire, avec la manière dont on traite des affaires-là. J’entends encore trop souvent ‘c’est un mari violent mais c’est un bon papa’. Non, un mari violent ne peut pas être un bon père. Là, en l’occurrence, il a des enfants. Que va-t-il se passer pour eux et pour sa femme ? On entend encore trop souvent ‘c’est une affaire privée, qu’ils règlent ça entre eux’. Mais la société doit la protection à ces citoyens et en particulier ces citoyennes victimes de violences. On est dans un système qui ne va pas bien, qui ne fonctionne pas. J’en appelle du coup, au-delà de ce juge-là, aux premiers responsables du système judicaire, Eric Dupond-Moretti et Emmanuel Macron."

Auteur des violences, Mohamed Haouas a notamment expliqué qu’il ne voulait pas que sa femme se mettre à travailler. "Le féminicide, c’est un crime de possession, dénonce Anne-Cécile Mailfert. La plupart du temps, c’est au moment où madame qui monsieur parce qu’il ne supporte pas de la voir libre, qu’elle vive sans lui. C’est pour moi une circonstance aggravante. Cela qualifie bien que ça n’est pas un conflit, mais une violence. Il peut y avoir des conflits dans un couple. Mais la violence, c’est aller bien au-delà d’un échange verbal un peu houleux. C’est quand une personne est en situation de domination. Il va contrôler sa vie : est-ce qu’elle a le droit de fumer, de travailler, comment elle va s’habiller, à quelle heure elle rentre, qui elle fréquente… Là, on voit vraiment qu’on est sur une personnalité et une situation extrêmement dangereuses. C’est pour ça que c’est hallucinant que le juge n’ait pas utilisé les autres outils qu’il a en sa possession, comme par exemple une mesure d’éloignement. Pourquoi il lui dit ‘rentrez chez vous’? C’est une conception absolument dingue en 2023, après toute la sensibilisation qu’on a essayé de faire."

"C’est une honte absolue"

"N’oublions pas que le lieu le plus dangereux pour les femmes, le lieu où elles sont le plus assassinées en France, c’est chez elles, souligne la présidente de la Fondation des femmes. L’homme le plus dangereux pour une femme, c’est son mari, son conjoint. On n’a pas envie de se le dire mais c’est la réalité aujourd’hui en France. 140 femmes assassinées par an, c’est par leur conjoint, pas par un inconnu dans la rue. Sur le système judiciaire, pour moi, c’est une honte absolue, ce qu’on est en train de vivre en ce moment. La cour européenne des droits de l’homme a épinglé quatre fois la France pour ces décisions iniques. La France ne sait pas juger les cas de violences sexuelles. Au tribunal de Bobigny, le procureur a fait un message d’alerte la semaine dernière dans Le Parisien parce qu’il a 800% d’affaires enregistrées en plus depuis 2017. Comment voulez-vous qu’il fasse? Il n’a pas 800% de juges en plus. On a un ministre de la Justice qui fait des états généraux de la justice et qui ne parle pas une seule fois des violences conjugales. Il fait 50 mesures pour refonder la justice et il ne prononce pas une seule fois le mot femme. Mais on est où? Ils sont là, en France? Ils se rendent compte de ce qu’il se passe? Les femmes ne vont pas arrêter de parler. Il faut que les femmes continuent à parler mais il faut que la justice les protège."

3919: le numéro de téléphone pour les femmes victimes de violences
Le "3919", "Violence Femmes Info", est le numéro national de référence pour les femmes victimes de violences (conjugales, sexuelles, psychologiques, mariages forcés, mutilations sexuelles, harcèlement...). C'est gratuit et anonyme. Il propose une écoute, informe et oriente vers des dispositifs d'accompagnement et de prise en charge. Ce numéro est géré par la Fédération nationale solidarité femmes (FNSF).

LP