"C'est la peur au quotidien, la terreur": le cri d'alarme des mères des quartiers de Marseille

"C'est compliqué de se faire entendre". Le quotidien de Fadella Ouidef est devenu un enfer. Cette habitante de la Busserine, dans le 14ème arrondissement de Marseille, était l'invitée d'Apolline Matin sur RMC et RMC Story ce jeudi, pour raconter son quotidien dans ce quartier miné par les trafics de drogue. Il y a une semaine, dans cette cité, un retraité de 63 ans a été abattu, victime de tirs de kalachnikov. Un trentenaire a également été grièvement blessé. Mercredi, un homme de 32 ans a été tué par balles, cette fois dans le 13ᵉ arrondissement de Marseille. Depuis le début de l'année, ce sont 18 personnes qui ont perdu la vie dans des fusillades et des règlements de comptes dans la cité phocéenne.
La mère de famille raconte devoir "slalomer entre les parcours que nous font les réseaux":
"Notre vie, c'est rentrer tôt, rentrer vite parce que on a peur. C'est la peur au quotidien. C'est la terreur. Ce n'est pas ce n'est pas normal qu'en France on vive comme ça", dénonce-t-elle.
"Les enfants ne grandissent pas dans la paix"
Une situation qui alarme les mères de familles notamment sur l'impact sur les enfants et la manière de les élever: "C'est terriblement dramatique parce que on leur apprend même sans le vouloir, à faire attention à ne pas passer à certains endroits, que cette rue-là est un endroit dangereux, donc qu'il faut la contourner, même si ça nous fait faire un détour. On leur apprend à faire attention à qui parlent, à ne pas parler, aux jeunes qui ont une cagoule sur la tête puisqu'ils sont cagoulés."
"C'est ce qui s'est passé fait peur dans tous les cas. Mais les enfants vivent, grandissent, mais pas dans la paix. C'est plus compliqué de les laisser s'épanouir dans des conditions pareilles" juge Fadella Ouidef.
Si elle juge que les "petits ne comprennent pas vraiment", les adolescents sont plus conscients de la situation: "J'ai une ado au collège et on en parle", explique la mère de famille.
Elle raconte que le jeune trentenaire grièvement blessé la semaine dernière "n'a rien à voir avec le trafic" et est "un artiste en herbe qui créait des contenus, qui faisait des petits clips sur le quartier. Donc, nos jeunes le connaissent c'est ça touche tout le monde."
"Dès que la police repart, le trafic reprend"
Pour régler la situation, Fadella Ouidef estime qu'il faut a minima redéfinir le travail de la police sur place. "La police entre dans la cité, mais ils vont rester une demi-heure ou une heure. Quand ils sont dans le quartiers, qu'ils sont visibles, il n'y a plus de trafic. Dès qu'ils repartent, ça reprend."
"C'est nous ce qu'on demande, c'est une présence constante à l'intérieur du quartier" déclare-t-elle.
"Le fait est que - de ce que j'ai vu de mes propres yeux - je me suis fait contrôler le véhicule deux fois autour du quartier alors qu'il y avait le réseau qui tournait à l'intérieur du quartier."
"Vous avez raison", répond Gérald Darmanin
La mère de famille interpelle Gérald Darmanin et lui demande "qu'il (les) considère": "nous, on cotise dans ce pays comme tous les autres français lambda. On paie nos impôts, on va travailler deux ans de plus comme tout le monde, on subit de la même manière la hausse des prix. On subit de la même manière la hausse des prix de l'électricité, du gaz, du gazole. On vit toutes les complications que la France et la crise nous impose, mais on ne vit pas dans des conditions normales. On souffre."
"La police doit agir. Je ne comprends pas comment, avec tous les effectifs qui ont été rajoutés, il y ait encore autant de morts. Il y a quelque chose qui ne fonctionne pas en fait", conclut-elle.
Le ministre de l'Intérieur, invité des Grandes Gueules sur RMC et RMC Story, a estimé que cette mère de famille "avait raison" et que "le narcotrafic est extrêmement important." "La situation marseillaise est une situation qu'on a laissé faire pendant 50 ans et à laquelle on essaye de reprendre la main." Gérald Darmanin estime qu'il faut un plan bien plus large et que tout "n'est pas sécurité."