RMC

"Expliquez-nous": violences conjugales, le désarroi des gendarmes

Le Grenelle des violences faites aux femmes se termine et des décisions seront annoncées lundi. Ce Grenelle a montré que la prise en charge des plaintes dans les commissariats et les gendarmeries n’était pas satisfaisante. Nicolas Poincaré a rencontré des gendarmes qui lui ont expliqué leur difficulté.

Cinq officiers de gendarmerie, trois femmes deux hommes ont tenu à nous parler des violences faites aux femmes. Selon eux, la plupart des interventions pour des violences conjugales ont lieu la nuit ou tard le soir, et plutôt les week-ends. À l’heure où il n’y a plus de service public. Les mairies sont fermées, les cellules départementales d’aide aux victimes ne répondent pas. Les centres d'hébergement sont pleins, les associations sont sur répondeur. Les gendarmes expliquent : “la journée, on est en première ligne, mais la nuit, on est seuls !”

Prenons l’intervention la plus classique. Cela se passe plusieurs centaines de fois par jour. Un voisin donne l’alerte parce qu’il entend des cris. Les gendarmes interviennent. Ils tombent sur un couple en pleine séparation. Les propos sont contradictoires souvent alcoolisés. Par mesure de précaution, la femme est emmenée à la gendarmerie. Mais à ce stade, on ne peut pas contraindre le mari ou le compagnon à les suivre. On ne peut que prendre la plainte de la victime, et lui conseiller de trouver un hébergement chez un proche. Trop souvent la femme est sous l’emprise de son compagnon, elle est dépendante financièrement, elle a peur de se retrouver à la rue. Elle ne porte pas plainte et rentre chez elle.

C’est exactement ce qui s’est passé la semaine dernière dans le haut Rhin. L’affaire de Stella, qui a été tuée sous les yeux de sa fille qui a ensuite reproché aux gendarmes d’avoir mis une demi-heure à arriver. Cette femme avait déjà signalé les violences de son compagnon, mais avait refusé de porter plainte. Les services sociaux étaient intervenus.

Des erreurs de la part des gendarmes et policiers?

Dimanche soir, elle appelle sa fille à l’aide. Celle-ci se précipite et assiste au dernier coup de couteau mortelle. Les gendarmes arrivent trop tard et sont mis en cause par cette jeune fille. Ils l’ont très mal vécu parce que l'enquête a démontré que le coup de fil d’alerte a été reçu à 23h08. II n’y a pas de patrouille dehors ce dimanche soir. On mobilise donc en urgence deux hommes qui sont à la caserne. Le temps qu’ils se préparent à 23h19, le compagnon appelle pour dire qu’il vient de tuer sa femme. Du coup face à ce possible forcené, il faut mobiliser des renforts. Et les gendarmes arrivent à 23h30, trop tard. Mais ils ne voient pas comment ils auraient pu mieux faire. 

On entend le désarroi des gendarmes, mais il faut aussi entendre les récits des femmes qui disent être mal reçu dans les commissariats ou les gendarmeries. Évidemment et on ne manque pas de témoignages. “Le Monde” a récemment enquêté sur les 120 féminicides de 2018.

Et certains cas sont accablants. Par exemple cette femme, Hélène Bizieu, qui avait porté plainte contre un mari qui la menaçait de mort explicitement. Le gendarme avait reçu la plainte, mais avait oublié de la transmettre au parquet. Il avait écrit dans son rapport: “Aucune mesure de protection ne nécessite d'être mise en œuvre”. 

Nouvelles mesures à venir

Quelques jours après, Helene Bizieu a été tué devant ses enfants par son compagnon qui s’est ensuite suicidé. Pour le coup, c’est un énorme ratage, et la garde des Sceaux a estimé dimanche dernier qu’il y en avait trop, à tous les niveaux de la chaîne judiciaire. Des plaintes qui ne sont pas prise, pas transmise, ou transmise sans entraîner la bonne réaction.

Lundi, pour la fin du Grenelle de l'environnement, le gouvernement devrait annoncer des mesures sur la formation des policiers et des gendarmes. Mais ces formations existent déjà. 10.000 policiers ont été formés récemment. Dans les écoles de gendarmerie, il y avait déjà une formation à accueil des victimes, mais un module supplémentaire a été rajouté à la rentrée de septembre. 8 heures de cours pour les jeunes gendarmes sur la question spécifique des violences conjugales. Sans doute, faut-il encore renforcer ces formations.

Il faudra aussi et surtout plus de moyens financiers pour les centres d’hébergement pour les victimes. Et certainement toute une série de mesures qui seront annoncées lundi.

Nicolas Poincaré