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"Il délirait, il était effrayé": le témoignage d'un habitant de la Monnaie qui a protégé le militant d'ultradroite blessé

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Un jeune militant de l'ultradroite a été gravement blessé samedi dernier en marge d'une manifestation sauvage dans le quartier de la Monnaie, à Romans-sur-Isère, une semaine après la mort de Thomas, tué à coups de couteau lors d'un bal à Crépol. Le militant ne doit son salut qu'à l'intervention d'habitants du quartier. L'un d'eux témoigne au micro de RMC.

Il a peut-être échappé au pire. Après la mort de Thomas, tué lors d'un bal à Crépol (Drôme), des militants d'ultradroite se sont retrouvés samedi dernier à Romans-sur-Isère dans le quartier de la Monnaie, d’où sont issues certaines personnes impliquées, "pour en découdre" selon les autorités. L'un des militants a été gravement blessé, violemment pris à partie par des jeunes du quartier.

Il ne doit son salut qu'à l'intervention d'autres habitants du quartier, comme Ali, 58 ans, qui témoigne au micro de RMC: "On sortait de la mosquée, on a réussi à le prendre et à faire bouclier à quatre ou cinq, alors qu'il y avait beaucoup de jeunes autour de lui", raconte-t-il.

"Il délirait, il appelait sa mère. Dans ses yeux, il était effrayé. Après, on a essayé de le raisonner, on lui a dit que c'était des gourous qui l'envoyaient et que c'était lui qui mangeait des coups", explique Ali. "Il nous a dit qu'il était venu manifester pacifiquement, mais on lui a dit que la marche blanche avait déjà eu lieu", poursuit-il.

Dans la foulée, le quinquagénaire appelle les pompiers et interpelle une voiture de police de la brigade anticriminalité (BAC): "On a vu la police passer, on leur a fait signe en leur disant qu'il y avait une personne de l'extrême droite inanimée. Ils se sont arrêtés et on les a aidés".

"On veut le vivre ensemble"

S'il s'est interposé, c'est tout simplement par humanité: "On ne veut pas d'un deuxième mort et c'est humain. Je ne peux pas laisser quelqu'un plein de sang par terre comme ça, c'est interdit", martèle Ali. La descente des militants de l'ultradroite fait remonter de mauvais souvenirs à Ali: "Ça fait peur, ça me rappelle les années 80, quand il y avait beaucoup de ratonnades. On ne sortait pas de chez nous, on avait peur pour nos parents".

"Nos parents sont immigrés mais nous aussi, on est français. On respecte ce pays mais il y a une petite poignée de jeunes qui ne tiennent pas la route. La majorité du quartier n'est pas comme ça, on veut le vivre ensemble", poursuit Ali.

Et cet intervention des habitants pour protéger ce membre de l'ultradroite, "ça montre qu’il n’y a pas que des racailles dans les quartiers", pour Ali. "Zidane, Benzema, Jamel Debbouze, ils sortent de quartiers plus difficiles et ils ont réussi. On a des jeunes d’ici qui ont réussi. Mais ils n’ont rien ici, les jeunes, à part tenir les murs. Madame le maire (Marie-Hélène Thoraval, NDLR), elle parle, elle parle, mais elle n’a jamais rien fait pour le quartier de la Monnaie depuis qu’elle est arrivée au pouvoir, à part des petits jardins. Mais c’est pour les vieux, les petits jardins, pas pour les jeunes. Nous, on prône la paix. Moi, je suis français, j’aime les Français, j’aime les juifs, j’aime tout le monde."

Jugé en comparution immédiate en marge de la manifestation, six militants d'ultradroite, âgés de 18 à 25 ans, ont été condamnés à des peines de six à dix mois de prison ferme et interdits de séjourner dans la Drôme. Selon les estimations, près de 3.300 personnes seraient affiliées à l'ultradroite en France, dont 1.300 fichés S.

Pierre Bourgès avec Guillaume Dussourt