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“Justice n'a pas été rendue”: le verdict provoque déception et colère chez les victimes de Joël Le Scouarnec

Croquis d'audience du 24 février 2025 montrant l'ex-chirurgien Joël Le Scouarnec à l'ouverture de son procès à Vannes pour viols et agressions sexuelles sur 299 patients.

Croquis d'audience du 24 février 2025 montrant l'ex-chirurgien Joël Le Scouarnec à l'ouverture de son procès à Vannes pour viols et agressions sexuelles sur 299 patients. - Benoit PEYRUCQ / AFP

L'ancien chirurgien Joël Le Scouarnec a été condamné mercredi à Vannes à la peine maximale de 20 ans de réclusion criminelle, dont deux tiers de peine de sûreté, pour viols et agressions sexuelles sur près de 300 victimes, la plupart mineurs. Les victimes se disent déçues du verdict et en colère.

Le verdict à l'encontre de Joël Le Scouarnec, condamné mercredi 28 mai 2025 à Vannes à la peine maximale de 20 ans de réclusion pour viols et agressions sexuelles sur près de 300 personnes, a suscité larmes, colère et déception parmi les victimes.

À la sortie du palais de justice de Vannes (Morbihan), Manon Lemoine, que l'ex-chirurgien a reconnu avoir violée à l'âge de 11 ans, essuie ses larmes, consolée par son avocate Me Marie Grimaud.

"Quelle déception!", a lancé Manon Lemoine, prenant la parole devant un parterre de caméra et micros au nom du collectif de victimes.

"Tout ça pour ça"

Le Scouarnec échappe à la rétention de sûreté, qui permet de placer dans un centre un criminel présentant un risque élevé de récidive après la fin de sa peine. La rétention de sûreté n'est prévue "que pour un caractère exceptionnel", rappelle Manon Lemoine, "mais cette affaire ne l'est-elle pas assez? 299 victimes! La loi contre les violences sexuelles en France n'a pas été pensée en bon sens", selon elle. "Plus jamais ça", ont déclaré plusieurs victimes, dont certaines se sont prises dans les bras, en pleurs.

Sur le parvis du tribunal judiciaire, S. essuie ses larmes: "plus jamais ça" mais aussi "tout ça pour ça", soupire-t-elle, retenant ses larmes. "La justice n'a pas été rendue." Amélie Lévêque, elle, se sent "humiliée par ce verdict."

"On est 300 victimes. Pourquoi ne pas aller jusqu'au bout, prononcer la rétention de sûreté? Il en faut combien des victimes, mille?", a dénoncé la jeune quadragénaire, victime de Joël Le Scouarnec. "Comment penser que ses excuses n'étaient pas juste une stratégie de défense?", s'est-elle interrogée.

Des cris "honte à la justice" ont fusé dans la salle de retransmission dédiée aux parties civiles lors du prononcé de la peine par la présidente de la cour, Aude Buresi, selon deux sources présentes dans cet amphithéâtre. "Dans la salle, c'est la stupeur qui a accueilli ce verdict", a raconté Solène Podevin-Favre, codirectrice de la Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfats (Ciivise).

"Impensé du politique"

Joël Le Scouarnec, 74 ans, a été condamné à la peine maximale de 20 ans de prison, dont deux tiers de période de sûreté. Une peine à laquelle la cour n'a pas pu "déroger" compte tenu de la "dangerosité" de Joël Le Scouarnec dont la "démarche de prédation" visait à "repérer les patients les plus vulnérables", selon Aude Buresi, dont la voix trahissait son émotion.

La rétention de sûreté n'a pas été prononcée en raison notamment de sa "volonté de réparer" et de son âge, a précisé la présidente. "En ce qui concerne la rétention de sûreté, évidemment que nous sommes déçus", a réagi Me Myriam Guedj Benayoun.

Pour cette avocate des parties civiles, les conditions étaient remplies "de par la durée des agissements de Joël Le Scouarnec, plus de trente ans, de par la nature des crimes qu'il a commis et de par l'avis unanime des experts psychiatres et psychologues qui disent tous que le risque de récidive est extrêmement important."

Pour l'avocat de l'association l'Enfant Bleu, Me Christophe Boyer, le cas de Joël Le Scouarnec relève de "l'impensé du politique", reprenant une expression utilisée par la présidente de la cour.

"On ne pouvait pas demander à la cour d'aller au-delà de ce que permet la loi, 20 ans, c'est 20 ans, et la rétention de sûreté ce n'est pas fait pour ce genre de situation", a-t-il poursuivi. "Ce n'est pas un pansement sur une jambe de bois (pour) compenser le fait que le maximum est atteint avec 20 ans", a-t-il regretté.

Me Cécile de Oliveira, autre avocate des parties civiles, a jugé ce verdict "adapté d'une façon très fine à la situation psychiatrique de Joel Le Scouarnec", qualifiant de "pertinente" la décision de la cour criminelle d'"écarter la rétention de sûreté, qui doit rester une peine totalement exceptionnelle". "Tout cela apparaît complet, cohérent, précis et extrêmement adapté", a-t-elle affirmé.

C.A avec AFP