RMC
Faits divers

"Lamentable", "humiliation": sur l’affaire Kendji Girac, le procureur est-il allé trop loin?

placeholder video
Au lendemain de la conférence de presse organisée par le procureur de Mont-de-Marsan à la suite de la blessure par balle de Kendji Girac, certains pointent du doigt un manque de déontologie. Le magistrat en aurait en effet trop dit au sujet du chanteur de 27 ans.

Blessé par balle à Biscarosse (Landes), Kendji Girac n'avait pas pu en dire assez sur les circonstances des faits. Tiré d'affaire, le chanteur a pu brièvement s'entretenir avec les enquêteurs, affirmant qu'il s'agissait d'un "tir accidentel", comme l'ont relayé les médias.

Le lendemain, jeudi 25 avril, Olivier Janson, procureur de Mont-de-Marsan, réalisait une longue conférence de presse reprenant les faits et détaillant la vie privée du chanteur. Le magistrat explique que la thèse du tir accidentel est "impossible" à la suite des expertises réalisées sur l'arme.

Il révèle que le chanteur a procédé à "une tentative de suicide" dans sa caravane. "Il pensait que le chargeur était vide. Il voulait qu'elle (sa femme) entende le bruit de la détente pour qu'elle ait peur et qu'elle renonce à partir" après une dispute, détaille le procureur, qui précise que l'artiste avait "2,5 grammes d'alcool dans le sang et deux traces de cocaïnes".

Pointée du doigt, cette conférence a été jugée par certains trop détaillée et en dehors du cadre déontologique. Les deux agents de Kendji Girac ont notamment déclaré dans un communiqué "regretter" que le procureur de Mont-de-Marsan "ait divulgué l'intimité privée et familiale".

Sur X, le chanteur Vianney a qualifié de son côté le magistrat de "procureur multi-casquettes", ajoutant avec une pointe d'ironie: "J'espère que la presse people lui enverra des fleurs".

"Qu'on leur fiche la paix"

Tentative de suicide, addictions... Exposer ainsi les démons de Kendji Girac n'a pas été au goût de tous, alors que l'enquête se dirige vers un classement sans suite du fait de l'absence de l'intervention d'un tiers.

Pour Bruno Pomart, ex-policier du Raid et membre des Grandes Gueules sur RMC, le procureur "a dépassé les bornes d'un point de vue déontologique". Olivier Janson "aurait dû factuellement rapporter les éléments concernant cette enquête, revenir sur l'arme", mais "ce qui a l'air de l'intéresser, c'est d'étaler la vie privée de Kendji Girac".

Un avis partagé par Frédérique, qui attribue dans Les Grandes Gueules au procureur "une heure de gloire". Elle s'indigne.

"Qu'on leur fiche la paix. Ça arrive combien de fois les suicides... Je pense à sa compagne. Elle voulait être discrète, et maintenant tout est étalé. J'ai halluciné", lance-t-elle.
Kendji Girac, le procureur en a-t-il trop dit ? - 26/04
Kendji Girac, le procureur en a-t-il trop dit ? - 26/04
31:39

Ce déballage médiatique est d'autant plus jugé malvenu, car la tentative de suicide est interdite dans la communauté gitane. Mais, face à cette omerta, tout le monde n'est pas d'accord.

Linda, d'abord peinée par la découverte de la blessure par balle du chanteur, a ensuite reporté son attention sur sa famille en découvrant les détails de la conférence de presse du procureur.

"Je me mets à la place de cette maman. J'ai un membre de ma famille très proche qui est alcoolique. (...) Quand vous avez ça à gérer dans votre quotidien, ce n'est pas toujours facile", raconte-t-elle, estimant que l'épouse du chanteur "subit peut-être le fait de ne pas pouvoir parler".

Un déballage médiatique pour protéger la famille ?

Le passé du procureur, ancien juge pour enfants, est également mis sur la table. A-t-il révélé les détails de cette tentative de suicide pour protéger la famille ? "Honnêtement, si ce procureur est un ancien juge pour enfants, je l'applaudis", affirme Linda.

"Si les gens veulent voir du voyeurisme, qu'ils le voient, mais peut-être que cette femme et son enfant vont s'en sortir, car un procureur a un jour eu le cran de dire ce qu'il se passait", ajoute-t-elle.

Vient ensuite la question des souffrances vécues par le chanteur de 27 ans. Corinne, qui a déjà travaillé dans un hôpital auprès de personnes souffrant de troubles psychiatriques, décrit la conférence de presse du procureur comme "lamentable".

"Cela ne nous regarde pas. N'importe qui peut finir dans cette situation. (...) Ce serait Palmade, où il y a des victimes, et les familles qui veulent savoir, c'est normal. Un homme politique, il représente la France, c'est normal", énumère Corinne, qui estime que le cas de Kendji Girac n'implique pas le besoin d'entrer dans les détails. "J'ai vu ça comme une humiliation", conclut-elle.

Mélanie Hennebique