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"Mon joint ne tue personne": culpabiliser le consommateur de drogue, est-ce efficace?

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Les ministres de l'Intérieur et de la Justice présentent un plan anti-drogue à Marseille ce vendredi, avec Bruno Retailleau qui compte culpabiliser les consommateurs, jugés responsables indirects des violences des narcotrafiquants. Consommateurs et associations de prévention d'addiction restent sceptiques.

Il ne lâche pas le dossier. Bruno Retailleau, ministre de l'Intérieur, précise son plan d’action contre le narcotrafic ce vendredi 8 novembre à Marseille. Renforcement de la surveillance des point de deals, création d’un parquet national contre le crime organisé... Le ministre veut frapper fort, et aussi responsabiliser le consommateur.

"Fumer un joint ou sniffer de la coke, c’est deux balles dans la tête d'un enfant de cinq ans, c'est ce jeune lardé à Marseille de cinquante de coups de couteau puis brûlé vif", image-t-il, poursuivant la rhétorique de son prédécesseur Gérald Darmanin. Bruno Retailleau veut aussi multiplier les amendes forfaitaires, et créer une campagne de prévention choc.

"Les gens le savent déjà que ça n'apporte rien de bon"

Pour les consommateurs que nous avons interrogé, ce n’est pas la bonne manière de procéder. "Est-ce que boire un verre de blanc, c'est être complice de tous les tétraplégiques?", ironise Margaux, auditrice de RMC et consommatrice qui estime que ça va "beaucoup trop loin".

"Mon joint ne tue personne, il est consommé localement, ne passe dans les mains d'aucun trafiquant. C'est la réalité de nombreux fumeurs de cannabis aujourd'hui", assure-t-elle.

"Si on devait culpabiliser sur tout, on sortirait nu dans la rue car on serait complices de l'exploitation des enfants en Asie, on ne roulerait pas en électrique pour l'exploitation des mines...", abonde Julien, ex-consommateur, qui relève aussi l'hypocrisie de la vente de feuilles à rouler et d'objets servant à émietter le cannabis dans n'importe quel bureau de tabac.

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Cela fait quelques mois que François, lui, réduit sa consommation de cocaïne. "On a conscience que ça ne vient pas de nulle part et que ça encourage un peu ce système", reconnaît-il. Mais pour cet ingénieur, lancer une campagne de prévention choc, c’est inutile. "Les gens le savent déjà que ça n'apporte rien de bon", selon lui.

Et multiplier les contrôles policiers ou augmenter le montant de l’amende, ça ne l’inquiète pas, même constat pour Emma, qui n’a jamais été contrôlée. "Je ne pense pas qu'il y ait beaucoup de contrôles non plus. En plus, on ne va pas penser que je consomme telle ou telle chose car j'ai une tête de petite fille", juge-t-elle.

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"Stigmatiser éloigne des dispositifs de soins"

Alors taper sur les consommateurs, ce n’est pas la bonne solution pour cet ancien fonctionnaire, adepte de différentes drogues.

"Si on consomme, si on achète, c'est que c'est possible. C'est sur ça qu'il faudrait travailler. Comment accompagner ce business pour que tout le monde y trouve son compte."

"Ce n'est pas en réprimant bêtement que ça fera avancer les choses", juge-t-il, préférerant que certaines drogues puissent être dépénalisées.

Un avis qui semble être partagé par Catherine Delorme, présidente de l'association Fédération Addiction. "Stigmatiser éloigne des dispositifs de soins, donc ce sont des discours contre-productifs", conclut-elle.

J.A. avec P.B.