RMC

Noyés par la paperasse, 80% des policiers n'arrivent pas à faire face à leur charge de travail

-

- - -

Multiplication des tâches administratives, lourdeur des procédures… 80% des policiers interrogés par le syndicat Alliance dans les commissariats de sécurité publique disent ne pas arriver à faire face à leur charge de travail. Avec pour conséquence une forte désaffection pour les métiers de l'investigation. Pourtant, des solutions existent pour leur faciliter la tâche, comme l'a constaté RMC.

Pour que la paperasse n'ait pas raison de l'investigation policière. Le syndicat policier Alliance alerte sur le "malaise" des services d'investigations de la police. Près de 9.000 policiers ont été interrogés par le syndicat majoritaire chez les gardiens de la paix. Multiplication des tâches annexes, "complexification" de la procédure, logiciel pas adapté, manque de soutien de la hiérarchie… 80 % des policiers interrogés dans les commissariats de sécurité publique disent ne pas arriver à faire face à leur charge de travail. Avec pour conséquence, selon Alliance, "une forte désaffection ressentie sur tous les métiers de l'investigation, au niveau de la sécurité publique comme de la police judiciaire". Si rien n'est fait, "c'est la mort de l'investigation", anticipe le syndicat.

"La moitié du temps consacré à de l'administratif"

Un tiers des sondés estiment notamment "passer la moitié de leur temps à rédiger des actes administratifs et statistiques". Pour faciliter le travail des policiers, le syndicat propose une batterie de mesures. Car les policiers ont coutume de dire qu'ils doivent écrire tout ce qu'ils font. Ainsi, par exemple, pour demander une copie de carte d'identité à la préfecture pour le traitement d'un dossier, ils doivent rédiger un procès-verbal d'avis à magistrat, un autre PV pour leur demande à la préfecture, puis un troisième une fois la copie de carte reçue. Seul ce dernier pourrait être gardé, selon le syndicat Alliance qui propose aussi de supprimer la pose du tampon avec la Marianne de France, obligatoire sur chaque page de procédure, alors que certains dossiers en compte parfois des milliers... et aussi de généraliser les signatures électroniques pour éviter de tout imprimer. Des mesures simples qui ne nécessitent pas de changer la loi mais qui pourraient faire gagner des heures de travail... consacrées au cœur des enquêtes.

Quand le parquet traite directement les dossiers au commissariat

L'autre point noir relevé par Alliance, concerne les relations avec la justice et le parquet notamment, sous l'autorité duquel les policiers réalisent la plupart des enquêtes. Le syndicat policier propose de généraliser la pratique du "rendez-vous" judiciaire qui est mis en place à Troyes avec le parquet. "Une fois par mois, généralement en début de mois, le procureur ou un substitut se déplace au commissariat, explique sur RMC Emmanuel, gardien de la paix de ce commissariat. Cela permet aux enquêteurs de présenter les dossiers et de faire un compte-rendu directement au magistrat plutôt que de le faire par mail ou par téléphone. C'est plus simple, on est beaucoup plus précis. Surtout, on peut répondre directement aux questions du magistrat. Ça permet d'éviter toute incompréhension ou investigation qui n'aurait pas été réalisée."

C'est Olivier Caracotche, procureur de la République à Troyes, qui a instauré ces "rendez-vous" judiciaires à son arrivée il y a deux ans et demi. Les policiers étant noyés sous le travail, il a décidé de se rendre lui-même au commissariat. "J'ai connu une situation avec des dossiers arrivés très tardivement et qui étaient prescrits, ce qui était très démoralisant pour les policiers qui avaient du mal à sortir la tête de l'eau. Nous avons alors décidé d'aller traiter ces dossiers au commissariat. Et nous avons décidé de continuer à le faire. A terme, chacun y gagne du temps, y compris les magistrats de mon parquet". Une pratique qu'Alliance voudrait voir généralisée. Pour que les policiers reprennent goût à l'investigation.

P. Gril avec Claire Andrieux