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Procès pour viols, torture et barbarie à Bobigny: "J'ai été prise au piège", témoigne une victime

Un homme de 34 ans, déjà condamné pour violences conjugales, est jugé à partir de ce vendredi aux assises de Bobigny pour viols et actes de tortures et barbarie sur deux ex-compagnes. Karine, l'une des parties civiles, s'est confiée au micro de RMC avant l'audience. Elle n'avait pas été prise au sérieux quand elle avait déposé plainte en janvier 2013.

Un procès pour viols et actes de tortures et barbarie s'ouvre aux assises de Bobigny (Seine-Saint-Denis), ce vendredi. L'accusé est un homme de 34 ans, déjà connu de la justice et condamné pour des faits de violences conjugales. L'une des parties civiles, Karine*, a accepté de se confier au micro de RMC avant le début de l'audience.

C'est sur Meetic qu'elle a rencontré David Tartenson en juillet 2012. Leur relation amoureuse bascule rapidement: l'informaticien veut contrôler toute sa vie. À commencer par sa manière de s'habiller, de se maquiller ou encore de s'alimenter.

"Il l'obligeait à se peser, elle devait boire une potion pour grossir", précise son avocate Janine Bonaggiunta, à RMC. Cette potion, c'est un mélange d'huile de colza, de lait et de sirop de fraise.

"Plus je pleurais et plus il me frappait"

Il place également un tracker dans le portable de Karine pour la suivre et la coupe progressivement de ses proches. Il devient violent et à la fin de l'année 2012, Karine veut rompre. "Quand je lui ai dit que je ne me reconnaissais plus, que je le trouvais dangereux et que je ne voulais plus le voir, il n'a pas accepté", explique-t-elle.

En janvier 2013, Karine accepte de se rendre chez lui pour discuter: "Au moment où j'allais partir, il m'a prise par les cheveux et m'a éclaté la tête contre la porte. Il a éteint la lumière et a jeté les clés dans le noir, et là, j'ai été prise au piège. Je lui ai demandé d'ouvrir, je l'ai supplié et c'était pire, il m'a étranglée. Plus je pleurais et plus il me frappait. C'était à 4h17, il y avait l'horloge, il m'a forcée à avoir des relations sexuelles."

David Tartenson la séquestre toute une nuit. Karine finit par le convaincre qu'elle doit absolument se rendre au travail pour ne pas alerter ses collègues. Le jour même, elle dépose plainte au commissariat.

"Je raconte tout et on me dit 'vous n'avez rien'. Je dis que j'ai reçu des coups, que j'ai eu une relation forcée. On me répond que c'est normal et que c'est une querelle d'amoureux."

Cinq mois de prison avec sursis en 2015

La justice n'a pas retenu le viol sur conjoint à l'époque. David Tartenson est renvoyé devant le tribunal correctionnel de Bobigny pour arrestation, enlèvement séquestration.

"J'atterris au tribunal, explique Karine. Je le vois, il tourne autour de moi. Il y a la gendarmerie qui est là mais qui ne fait rien. Et moi, je suis tétanisée. Dans la salle, je suis passée entre des gens qui ont cassé des boites aux lettres, un autre qui a craché sur un facteur", explique-t-elle.

Elle ajoute: "L'explication du dossier du facteur était plus longue et plus importante que moi qui ai été malmenée. Là, je me suis dit 'je suis vraiment de la merde'."

David Tartenson a simplement été condamné à 10 mois de prison avec sursis, une peine ensuite réduite en appel à 5 mois de prison avec sursis en 2015.

En février 2021, Karine reçoit un appel de la police. Une autre femme accuse David Tartenson de violences et de viols avec le même mode opératoire. Le 11 décembre 2020, pendant trois jours, l'accusé l'a séquestrée, frappée, violée et torturée. Lui-même reconnaît qu'il a voulu faire "comme un scénario de film d'horreur".

"On lui a donné un permis de violer, de massacrer"

"Ça a été extrêmement violent d'apprendre ce qu'il s'était passé, confie Karine. Personne ne s'est soucié de se dire que c'était dangereux, que c'était criminel ce qu'il avait fait et qu'il pouvait recommencer. J'ai eu la rage depuis mon agression en 2013 et il a recommencé. Pour moi, on lui a donné un permis de violer et de massacrer des gens. À chaque fois, il avait des peines dérisoires, il n'a jamais été enfermé."

L'avocate de l'autre partie civile, Me Jeanne Vaillant Heintzmann, exprime son "amertume quant à la prise en charge des femmes victimes de violences": "L'accusé a bénéficié de plusieurs défaillances de la chaîne pénale, ce sera évidemment soulevé à l'audience". 

Au moins deux autres femmes ont déposé plainte pour violences conjugales contre le mis en cause. Elles estiment, elles aussi, que la justice a failli.

Une audience nécessaire pour se reconstruire

Une plainte a été classée sans suite en 2012, l'autre a donné lieu à une condamnation à 10 mois de prison en octobre 2020, une peine aménagée à domicile. "Le dossier de Karine est revenu devant la justice grâce à la plainte de l'autre partie civile en décembre 2020, assure son conseil Me Bonaggiunta. Sans cela, elle est incapable de se reconstruire, elle est terrifiée par cette audience, mais elle veut s'assurer que la justice l'entende enfin et qu'elle soit reconnue comme victime de viol."

L'accusé conteste le viol la concernant. "Mon client a beaucoup travaillé sur lui en détention", assure l'avocate de la défense Me Margot Pugliese, qui ajoute que David Tartenson est "impatient de s'expliquer face à la justice".

Cette fois-ci, c'est bien devant la cour d'assises qu'il va comparaître pour viol sur conjoint avec torture et actes de barbarie. Il encourt la prison à perpétuité.

Marion Dubreuil (édité par AB)