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Procès Sarkozy: "Je plains votre âme", la colère des familles de victimes de l'attentat du DC-10 d'UTA

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Nicolas Sarkozy, jugé pour soupçons de financement libyen de sa campagne de 2007, a été accusé de "trahison" par les familles de victimes de l'attentat du DC-10 d'UTA, jeudi. Selon l'accusation, une promesse de la levée du mandat d'arrêt visant Abdallah Senoussi, condamné par la France pour cet acte terroriste, aurait été négociée avec Mouammar Kadhafi.

Au procès du présumé financement libyen de la campagne 2007 de Nicolas Sarkozy, des familles de victimes de l'attentat du DC-10 d'UTA sont venues livrer des témoignages extrêmement forts à la barre, jeudi. Parties civiles au procès, elles ont toutes perdu un proche dans cet acte terroriste qui avait fait 170 morts dont 54 Français, en 1989.

Des familles révoltées d’avoir appris qu’en contrepartie du soutien supposé de la Libye à Nicolas Sarkozy, il aurait été question d’aider le responsable libyen de cet attentat, Abdallah Senoussi (beau-frère de Mouammar Kadhafi) à faire lever son mandat d’arrêt international.

"J'avais l'âge de votre fille"

Leur colère froide a figé la salle d’audience. A un mètre à peine de Nicolas Sarkozy, onze proches de victimes ont tour à tour délivré des mots qui claquent. Ceux de Christophe Raveneau, fils de l’un des pilotes du DC-10 : "Monsieur Sarkozy, lui lance-t-il en le fixant, ce jour-là j’avais l’âge qu’a votre fille aujourd’hui" (…) "Je plains votre âme et votre dignité piétinée". Avant lui, sa mère, veuve du pilote, a raconté avoir écrit au chef de l’État dès 2007, elle n’a jamais eu de réponse.

"J’espère que ce procès permettra de mesurer l'ampleur de la trahison de Nicolas Sarkozy", appuie Guillaume Denoix de Saint-Marc, président de l’association des victimes, "écœuré, dit-il, que ces agissements aient pu nourrir des ambitions personnelles, si c'est avéré".

3 questions pour comprendre : Affaire Kadhafi, Nicolas Sarkozy de retour au tribunal - 06/01
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"Les 170 innoncents pèsent une plume" face "aux contrats d'armement"

"Le fait de voir des hommes politiques avoir accepté de marchander, de rencontrer, prendre le café avec A. Senoussi, le terroriste des terroristes, c’est quelque chose d’inimaginable", s'est indigné Danièle Klein la veille, au micro de RMC. "Où est la morale ? Où est-ce qu’on est capable de pousser le curseur pour obtenir de l’argent pour un candidat ? C’est une atteinte à la démocratie, tout simplement."

"Un an après ce verdict de papier, nous avons vu reprendre subrepticement les relations avec Mouammar Kadhafi, dans un désespoir muet et résigné", a-t-elle déclaré à la barre. Face aux "contrats d'armement" et aux "dividendes", "les 170 innocents du DC-10 pèsent une plume".

L'ancien président "n'a jamais serré la main de Senoussi"

Nicolas Sarkozy répond un peu plus tard, affirmant respecter la "douleur" des familles, avoir "entendu" et "compris" leur "colère". Quant au "doute", conclut-il, "je suis ici pour y répondre".

"Je peux dire à chacun de ceux qui ont témoigné que je ne les ai jamais trahis. Je n'ai jamais serré la main de M. Senoussi. Je n'ai jamais mis leur sort en contrepartie d'un quelconque compromis, pacte ou même de realpolitik", affirme-t-il. 

"A mon tour de leur dire, avec beaucoup de respect, qu'on ne répare pas une souffrance aussi légitime qu'elle soit en étant injuste et qu'au fond, si les bourreaux de leurs familles sont aujourd'hui en prison ou ont quitté le pouvoir ou sont morts, c'est parce que leur pays a été à la tête d'une coalition qui a empêché le massacre des Libyens", a-t-il fait valoir.

"Vous avez bradé votre honneur en rencontrant l'assassin de 170 personnes", a de son côté lancé Christophe Raveneau, qui a perdu son père Georges, à l'adresse de Brice Hortefeux et Claude Guéant, qui ont vu Abdallah Senoussi fin 2005 en Libye. Les deux anciens ministres de Nicolas Sarkozy ont affirmé ces derniers jours, à la barre, avoir été "piégés".

Guillaume Biet avec LM