"Toujours les mêmes excuses": après l’attaque du convoi, "il faut que ça change" pour une magistrate

Deux agents pénitentiaires tués, trois blessés, et un détenu en cavale. Après que des hommes ont tiré à l’arme lourde sur deux véhicules de l’administration pénitentiaire au péage d’Incarville (Eure), sur l’A13, la magistrate Béatrice Brugère réclame ce mercredi sur RMC et RMC Story une meilleure protection pour ces fonctionnaires et des conditions plus sévères de détention, notamment.
"Il y a toujours des leçons à tirer d’un drame aussi terrible, explique la secrétaire générale du syndicat Unité Magistrats dans Les Grandes Gueules. Il n’est certes pas prévisible, mais il n’est pas non plus complètement illogique compte-tenu de la désorganisation que l’on connait aujourd’hui et du manque de prise de conscience des enjeux de sécurité par rapport à ce genre de profils. Il va falloir vraiment qu’il y ait un avant et un après. On ne peut pas se contenter d’être dans le commentaire."
"Ce signal doit être pris à la hauteur des enjeux, poursuit Béatrice Brugère. On a une petite population de délinquants extrêmement dangereux, violents, sur laquelle on doit adapter nos modèles de sécurité, de réponse pénale. Ce n’est pas un délinquant lambda, ce n’est pas vrai. Il faut faire le retour d’expérience. Les faits démontrent que derrière, il y a une organisation criminelle de très haut niveau. Cette scène est assez glaçante et rappelle des scènes de cartels sud-américains. Il peut y avoir des balles perdues. Ils ne laissent aucune chance aux personnes et vont chercher quelqu’un. Tout est tellement très bien organisé que ça marche."
"Ils n’ont pas de véhicule blindé"
Selon la magistrate, les moyens en hausse accordés au ministère de la Justice doivent désormais être mieux utilisés. "Le discours, c’est toujours de dire qu’il n’y a pas de risque zéro. Par contre, il y a quand même des mesures de sécurité qui peuvent être renforcées. Les fouilles ne sont plus systématiques en prison, car ce n’est plus possible (règlement européen, NDLR). Il faut changer ça. Et on n’a pas encore réussi à construire des établissements pénitentiaires beaucoup plus spécifiques selon les profils, parce qu’on mélange beaucoup de gens différents en détention. Il faut aller plus loin, identifier les profils dangereux pour qu’ils soient mis dans des établissements sécurisés. Aujourd’hui, ce n’est pas le cas."
Les prisons doivent aussi être plus étanches, selon cette juge. "En détention, on circule. Les détenus peuvent se promener et se parlent. La prison est aussi un réceptacle où on peut lancer des colis. Il faut que ça cesse. Pour ces profils dangereux, il faut qu’on ait des prisons beaucoup plus hermétiques. On nous parle de brouilleurs, mais ils ne sont pas partout et ne fonctionnent pas très bien. Il faut des détecteurs de téléphones. On va vous dire que ça coûte cher, que ce n’est pas le choix qu’on a fait… Ce sont toujours les mêmes excuses. Il faut que ça change, qu’on tire les leçons pour prendre les bonnes décisions."
"De l’argent, il y en a eu, assure Béatrice Brugère. Utilisons-le pour les bonnes choses. On a de l’argent aujourd’hui. On ne peut pas dire qu’on n’en a pas, parce qu’on a un garde des Sceaux (Eric Dupond-Moretti, NDLR) qui a réussi à faire augmenter le budget de façon substantielle." Comme pistes d’amélioration, elle cite également "le renseignement pénitentiaire, absolument essentiel". Et l’administration pénitentiaire doit aussi pouvoir compter sur le soutien des forces de police et de gendarmerie, elles-mêmes déjà très occupées… "Ils (les agents pénitentiaires) n’ont pas de véhicule blindé, souligne-t-elle. Et parfois, ils ne mettent pas le statut de DPS (détenu particulièrement surveillé) parce qu’ils n’ont pas les moyens. Ça veut dire faire appel aux forces de sécurité intérieures, qui sont submergées."