"Un chef de groupe m’a tendu une enveloppe": la corruption inquiète dans les services de l’Etat

C'est un rapport très attendu. Une commission d’enquête du Sénat va rendre publiques ses conclusions sur l’emprise du narcotrafic en France, ce mardi matin. Depuis six mois, plusieurs dizaines de spécialistes ont été auditionnés. Des auditions qui permettent d’ores et déjà de prendre la mesure du pouvoir de corruption grandissant dans notre pays. Un phénomène qui prend "beaucoup d'ampleur" selon le président de cette commission, le sénateur socialiste Jérôme Durain.
Elus, policiers, magistrats... Sur le terrain, ils sont nombreux à être les témoins d'une corruption au sein même de leurs administrations, devenue l'arme première des trafiquants de drogue. Dès son arrivée à la brigade des stups de Paris, Fabien Bilheran a compris où il mettait les pieds. A plusieurs reprises, cet ancien policier a vu ses collègues se faire acheter par des délinquants ou encore piquer de l'argent après des saisies de drogues.
"Une fois, un chef de groupe m’a tendu une enveloppe avec une centaine d’euros à l’intérieur. Sous-entendu, soit j’accepte l’enveloppe et je tolère les déviances du groupe, soit je refuse l’enveloppe et on me pousse vers la sortie parce qu’on ne peut pas me faire confiance", raconte-t-il.
"Il faut des garde-fous"
Une corruption qui grandit et prospère, s'alarme Jérôme Bourrier, procureur du tribunal de Bayonne, notamment car les trafiquants parviennent à pénétrer toutes les strates de la société. "Les services de l’Etat, l’autorité judiciaire, l’administration pénitentiaire, les dockers… S’il y a un point d’accroche, un point de faiblesse, ils s’en empareront", explique-t-il.
Un mécanisme bien connu donc, mais que la justice peine encore à condamner à cause de son opacité. "Ce sont les infractions les plus difficiles à révéler. Pour les révéler, il faut des garde-fous de manière plus systématique qu’auparavant", souligne Jérôme Bourrier. Des garde-fous comme l'agence française anti-corruption, saisie pour la première fois en février pour renforcer les contrôles dans les grands ports français. Le passage de prédilection des trafiquants de drogue.