Retraités, cadres... Qui sont les "nouveaux électeurs" du RN aux européennes?

Qui sont les Français qui ont voté Rassemblement national? Les résultats des élections européennes sont formels, le RN a obtenu de bons scores dans "ses zones de force", mais également au-delà. Après les estimations, les chiffres définitifs ont été donnés par le ministère de l'Intérieur, tous les bulletins ayant été dépouillés. Avec un taux de participation définitif de 51,5% (en hausse), la liste du RN compte 31,4% des suffrages exprimés, devant celle de Renaissance (14,6%), puis celles du PS (13,8%), de LFI (9,9%), de LR (7,2%), des Ecologistes (5,5%) et de Reconquête! (5,5%). Les autres listes se trouvent sous la barre des 5%.
"Ce qui est frappant", c'est que le parti d'extrême droite "a continué à progresser dans les zones rurales et les petites communes", mais a aussi "élargi son socle électoral", analyse le président de l'institut de sondage Elabe, Bernard Sananès, dans Apolline Matin ce lundi 10 juin 2024 sur RMC et RMC Story.
"Jusqu'à présent, qui votait RN? Principalement les milieux populaires, les zones rurales, les jeunes actifs", indique-t-il. Or le RN "est parti, depuis les présidentielles/législatives jusqu'à hier soir, à la conquête de nouveaux électeurs", relève ainsi l'institut de sondage, avec son étude "Jour du vote" pour BFMTV, La Tribune Dimanche et RMC.
Trois catégories de nouveaux électeurs
Dans "ses zones de force", la liste de Jordan Bardella a "fait 36% en zone rurale, 40% dans les petites communes de 2.000 à 20.000 habitants", relève Bernard Sananès. Du côté des nouveaux électeurs, il souligne surtout trois catégories: "les retraités", "les cadres" et "les grandes villes". Des catégories qui votaient jusqu'alors assez peu pour l'extême droite.
Le plus surprenant étant sans doute "l'électorat retraité, dans lequel il fait jeu égal avec la liste macroniste", alors que cette partie de la population semblait acquise à la cause du camp présidentiel (composé de Renaissance - ex-La République en marche (LREM) - Horizons et le MoDem) depuis plusieurs années. Les cadres, "notamment dans les agglomérations de 100.000 habitants", sont aussi partagés entre les deux partis, d'après le président d'Elabe.
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La "peur" et le "chaos"
Un vote de colère ou d'adhésion? "Je dirais que le RN a réussi à capter le vote de ce sentiment de vulnérabilité qu'on voit dans les enquêtes": "la peur du déclassement, la thématique du pouvoir d'achat", " la peur migratoire et sécuritaire", "le mot de 'chaos'", qui revient souvent", détaille Bernard Sananès.
"Et puis aussi, pour certains, le fait que le dérèglement climatique pousse trop loin la transition écologique", selon lui. "Non pas la volonté de mettre sur 'pause' cette transition écologique, mais il y a cette crainte que ce soit à la fois une fracture sociale et un problème par rapport à un excès de règles (...). On voit les effets de la colère agricole qui touche l'ensemble de la ruralité au-delà même des agriculteurs."
L'exemple de la Bretagne
"Il y a un exemple qui illustre cette poussée du Rassemblement national dans des zones qui ne lui étaient pas favorables. En Bretagne, très traditionnellement modérée et qui est passée de la démocratie chrétienne au macronisme en passant par la social-démocratie, hier le RN est arrivé en tête au total de la région et dans les quatre départements, y compris le plus modéré", détaille le président de l'institut de sondage.
Paris, qui est à la fois ville et département, est le seul département à n'avoir pas placé le RN en tête de ses votes. La liste de Jordan Bardella n'y a recueilli que 8,5% des voix, loin derrière Raphaël Glucksmann (PS/PP, 22,9%), Valérie Hayer (ENS, 17,8%), Manon Aubry (LFI, 16,8%), Marie Toussaint (EELV, 10,7%) et François-Xavier Bellamy (LR, 10,5%).
Ces nouvelles tendances seront peut-être confirmées lors des prochaines legislatives. Des élections consécutives à la dissolution de l'Assemblée nationale décidée dimanche soir par le président de la République Emmanuel Macron, comme le stipule l'article 12 de la Constitution de la Ve République, et prévues les 30 juin (permier tour) et 7 juillet (second tour) prochains. Le Sénat, comme rappelé sur son site ce lundi matin, n'est pas concerné.