"Funeste connerie": Emmanuel Macron s'emporte contre la limitation des mandats présidentiels

Ne pas pouvoir être réélu est une "funeste connerie", a déclaré Emmanuel Macron devant les chefs de partis d'opposition ce mercredi à Saint-Denis. Une petite phrase qui relance le débat sur la limitation des mandats présidentiels.
C'était pendant cette très longue réunion à huis clos dans la nuit de mercredi à jeudi. Le patron du Rassemblement national Jordan Bardella a évoqué l’idée d’un président qui serait élu pour sept ans mais qui n'aurait pas le droit de se présenter. Et Emmanuel Macron lui a répondu, que c'était "une connerie". "Ne pas pouvoir se représenter est une funeste connerie", a assuré le chef de l'Etat.
Emmanuel Macron sait de quoi il parle, puisqu’il n’aura effectivement pas le droit de se représenter en 2027. Ce qui le met en position de faiblesse. On le voit par exemple lorsque, à quatre ans de l'élection, son ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin se positionne déjà publiquement comme son possible successeur…
Cette situation d’avoir un président dont on sait qu’il ne pourra pas être candidat, ce n'était jamais arrivé en France. Puisque Nicolas Sarkozy et François Hollande n’ont fait qu’un mandat, et avant eux, la règle des deux mandats maximum n’existait pas…
La Constitution modifiée en 2008
Car la Constitution a été modifiée en 2008. A l'époque, Nicolas Sarkozy avait réuni les meilleurs constitutionnalistes français au sein d’une commission présidée par Edouard Balladur. Et ces éminents spécialistes avaient réfléchi à la question et conclu que la limitation à deux mandats présidentiels était une mauvaise idée. C'était, pour eux, une réforme inutile voir inopportune.
Leurs arguments, c’était qu’il faut laisser le suffrage universel au-dessus de tout. Ainsi, si les Français veulent élire trois fois le même président, c’est leur droit. Il peut y avoir un homme ou une femme exceptionnel(le), ou bien des circonstances exeptionnelles, comme une guerre, qui feraient que l’on voudrait garder un président plus de dix ans.
La commission Balladur, en 2008, estimait donc aussi que la limitation à deux mandats était en quelque sorte une "connerie".
Et pourtant, la réforme avait été adoptée. C’est Nicolas Sarkozy, tout seul, qui l’avait décidé et imposé. Guy Carcassonne, un constitutionnaliste qui était membre de la commission Balladur, avait expliqué que le président voulait sans doute montrer une forme de détachement vis-à-vis du pouvoir en s’interdisant quoi qu'il arrive de rester à l'Elysée plus de dix ans. A moins, ajoutait Guy Carcassonne, que son idée fut de prévenir ses propres penchants.
En tout cas, l’article 6 de la Constitution a été modifié, il dispose que nul ne peut exercer plus de deux mandats constitutifs. Et il sera très difficile de revenir en arrière. De toute façon, même si Emmanuel Macron envisageait une réforme de la Constitution, elle ne pourrait s’appliquer à lui. Quoi qu'il arrive, il ne pourra pas être candidat en 2027.
Vers une troisième candidature pour Emmanuel Macron?
Mais il pourrait être candidat plus tard. La Constitution dit bien: "pas plus de deux mandats constitutifs". Emmanuel Macron pourrait donc se représenter le coup d'après, en 2032.
Ce n’est pas le cas aux Etats-Unis où un président ne peut faire plus de deux mandats en tout. C’est pour cela que Barack Obama, par exemple, ne pourra jamais se représenter. Même s’il n’a que 62 ans.
Ce sont les Américains qui ont inventé la limitation à deux mandats. Le tout premier président américain, Georges Washington en 1797, avait décidé de ne pas se présenter pour un troisième mandat et c'était devenu une règle non écrite. Puis est arrivée la crise de 1929 et la Seconde Guerre mondiale. Et les Américains ont voulu garder Franklin Roosevelt, élu quatre fois avant de mourir en exercice. Sur la fin, il était affaibli, notamment à Yalta face à Staline. Le Congrès avait alors définitivement voté qu’un président ne resterait jamais plus de huit ans à la Maison blanche.
Le contre-exemple allemand
Outre-Rhin, c'est l'inverse. Quand les Allemands ont un dirigeant qui leur plaît, ils le gardent. Helmut Kohl, l’homme de la réunification, est resté 16 ans au pouvoir. Et Angela Merkel a régné 16 ans également, de 2005 à 2021. Certes, ils étaient chancelier, et pas président, mais cette longévité est l’argument de ceux qui défendent que l’on peut diriger longtemps un pays sans pour autant être un dictateur.
L'"exemple" russe
En Russie, la limitation des mandats s’applique, et pourtant Vladimir Poutine est là depuis 23 ans. Théoriquement pourtant, il n’avait le droit qu'à deux mandats. Mais en laissant passer son tour une fois, puis en changeant plusieurs fois les règles du jeu, il a obtenu de pouvoir encore se présenter pour un cinquième mandat en mars prochain. Et même, s’il le souhaite, pour un sixième mandat, qui lui permettrait de rester jusqu’en 2036. Vladimir Poutine considère lui aussi que la limitation des mandats est une "funeste connerie".