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Le gouvernement face aux motions de censure: quels sont les scénarios possibles?

L'Assemblée nationale va voter deux motions de censure ce lundi. Si celle déposée par le RN n'a aucune chance de passer, une autre déposée par le groupe LIOT fait (un peu) plus trembler le gouvernement.

Deux motions de censure seront examinées à l'Assemblée nationale ce lundi, pour répondre à l’utilisation du 49.3 par le gouvernement. Pour être adoptées et renverser le gouvernement, ces motions doivent recueillir la moitié des voix des députés. Pas des députés présents ou votants, mais bien la moitié des élus, c'est-à-dire 287 voix puisqu’il y a actuellement 573 députés.

La motion de censure déposée par le Rassemblement national ne sera votée que par les députés de ce parti, elle ne dépassera pas les 89 voix et n’a donc aucune chance d'être adoptée. En revanche, il y a un peu plus de suspens pour l’autre motion de censure. Celle déposée par Charles de Courson pour le petit groupe parlementaire hétérocycle LIOT, Liberté indépendante, Outre-mer et Territoire.

La gauche qui n’a pas déposé de motion de censure a décidé de se ranger derrière ce texte, dit transpartisanne. Le Rassemblement national a décidé de voter toutes les motions de censure donc celle-là aussi, si bien que l’on commence à sortir les calculettes. Les voix de la gauche, plus celle du RN, plus les vingt du groupe LIOT, on arrive à 257. Il manque donc 30 voix. Les Républicains ont annoncé qu’ils ne voteraient pas cette motion, mais on sait que certains élus ne respecteront pas cette consigne de vote et voteront la censure.

Il faudrait qu’ils soient 30, soit la moitié du groupe Républicain pour que la censure passe. Ce n’est pas le scénario le plus probable. À l’heure où l’on parle, l'hypothèse du rejet de cette motion de censure est la plus vraisemblable.

Dans ce cas-là, la réforme des retraites est considérée comme adoptée définitivement et elle pourra être appliquée dès l'été prochain sauf éventuelle censure du Conseil constitutionnel ou sauf si un mouvement social d’ampleur amenait le gouvernement à reculer.

Le gouvernement sur la sellette

Et si malgré tout la motion de censure était votée ce lundi, deux conséquences. La première, c’est que la loi de réforme des retraites est rejetée. Elle ne s’applique plus, l'âge de départ à la retraite reste à 62 ans. Deuxième conséquence, c’est l’article 50 de la constitution qui s’applique et qui est très clair. “Lorsque l'Assemblée nationale adopte une motion de censure, le Premier ministre doit remettre au président de la République la démission de son gouvernement”. Ce serait donc la chute du gouvernement d’Élisabeth Borne.

Une situation qui n’est encore jamais arrivée dans l’histoire de la 5e République, le gouvernement a utilisé 100 fois le 49.3. Soixante fois, l'opposition a répondu par une motion de censure et elles ont toutes été rejetées jusqu’à présent.

Depuis 1958, une seule motion de censure a recueilli la majorité, mais ce n'était pas pour répondre au gouvernement qui avait engagé sa responsabilité. C'était pour dénoncer l’intention du général de Gaulle d’organiser un référendum sur l'élection du président de la République au suffrage universel. Une majorité de députés s’y opposait et avait voté la censure le 5 octobre 1962.

Le Premier ministre Georges Pompidou avait présenté la démission de son gouvernement, mais Charles de Gaulle ne l’avait pas accepté tout de suite et il avait préféré dissoudre l'Assemblée nationale. Puis il avait tout de même organisé son référendum trois semaines plus tard et les Français avaient voté oui à 62% pour l'élection du président au suffrage universel.

Ensuite, les gaullistes avaient aussitôt après remporté les législatives. Et ce n’est qu'à ce moment-là que de Gaulle avait accepté la démission de Georges Pompidou, pour aussitôt le renommer. Autrement dit, de Gaulle avait largement ignoré la motion de censure. C’est ce que François Mitterrand avait appelé le coup d’Etat permanent. Ce ne serait plus possible aujourd’hui.

Nicolas Poincaré