Les politiques ne "comprennent pas" la réforme des retraites, tacle cet ex-conseiller gouvernemental

Faut-il suspendre la réforme des retraites pour éviter une dissolution? C'est la solution que semble vouloir adopter Sébastien Lecornu et Emmanuel Macron pour sortir de la crise politique. Une gabegie pour la droite favorable au recul de l'âge de départ notamment, une avancée pour la gauche, totalement opposée.
"Il y a un décalage entre les effets politiques et les effets réels de la réforme Borne", tient à préciser ce jeudi sur RMC et RMC Story Eric Weil, ancien conseiller gouvernemental sur les retraites, qui dénonce l'incompréhension qui règne autour de la réforme menée par Elisabeth Borne.
6 mois de travail en plus seulement?
Premier quiproquo, les "2 ans de vie volés" aux Français sur l'âge de départ à la retraite: "Des études montrent que le décalage réel est de 6 mois à cause de différents paramètres et des dispositifs qui protègent les plus précaires de ce décalage", explique Eric Weil, auteur de "Retraites: un blocage français".
Les retraités les plus modestes épargnés?
Secondo "la casse sociale" avancée par la gauche: "Les chiffres de la Drees montrent que les effets sont redistributifs", avance Eric Weil, passé par BCG, un cabinet de conseil, après sa mission au ministère du Travail.
"Ceux qui touchent plus de 2.500 euros de pension, les plus aisés, leurs droits vont un peu baisser, de 1% pour la génération 84. Quant à ceux qui touchent moins de 1.000 euros de pension, leurs droits à la retraite vont augmenter de 12%, grâce à la revalorisation du minimum de pension et que beaucoup sont protégés".
Une réforme égalitaire pour les femmes?
Troisième point, la taxation d'une réforme "sexiste": "Cette réforme touche certains profils de femme, des mères de famille qui seront affectées par la réforme mais en moyenne, en matière de droit à la retraite, cette réforme est moins pénalisante pour les femmes que pour les hommes", assure Eric Weil.
Mais alors que signifierait concrètement une suspension de la réforme des retraites pour les Français? Une mise en pause du texte entraînerait d'abord une pause de la montée en charge de la réforme: "Cela voudrait dire qu'on s'arrête à 62 ans et 9 mois. Ensuite, il sera toujours possible de reprendre la montée en charge vers 64 ans mais il faudra probablement une autre loi", croit savoir l'ancien conseiller ministériel.
Des politiques qui "ne comprennent pas" la réforme
Il déplore un débat polarisé sur un indicateur, l'âge légal de départ à la retraite alors que d'autres points sont à prendre en compte comme la durée de prise en compte pour le calcul du salaire moyen ou l'âge pivot.
Dans ces conditions si complexes, Eric Weil estime que de nombreux responsables politiques n'ont jamais compris vraiment la réforme des retraites: "Ils ne la comprennent pas pour la plupart et c'est l'une des raisons du blocage" estime-t-il.
"Aujourd'hui, le paysage politique, c'est un spectacle désolant entre ceux qui disent qu'il n'y a pas d'alternatives à part l'âge légal alors qu'il y en a plein d'autres. Il y a les autruches qui disent 'circulez il n'y a rien à voir, il n'y a pas de problèmes sur la réforme des retraites'. Enfin, il y a les magiciens qui disent qu'il y a un problème mais il ne faut pas s'en prendre aux retraités mais plutôt taxer les riches et réduire la fraude sociale alors que les ordres de grandeur ne sont pas les mêmes", se désole Eric Weil.
Une suspension qui pourrait coûter des milliards d'euros
Si la réforme des retraites était bien suspendue, le coût de ce changement s'élèverait à "plusieurs centaines de millions d'euros en 2025" et "des milliards en 2026" selon le ministre de l'Economie démissionnaire Roland Lescure.
De son côté, le syndicat CFDT estime que pas moins de 600.000 Français pourraient ainsi partir plus tôt, jusqu'à l'élection présidentielle de 2027, lorsque le débat pourra à nouveau s'ouvrir à propos d'une nouvelle réforme des retraites.