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Rejet du traité Ceta au Sénat: jubilation chez les éleveurs, consternation chez les exportateurs de vin

ILLUSTRATION - Emmanuel Macron devant le Congrès réunissant les deux chambres du Parlement (Assemblée nationale et Sénat) au château de Versailles, le 9 juillet 2018.

ILLUSTRATION - Emmanuel Macron devant le Congrès réunissant les deux chambres du Parlement (Assemblée nationale et Sénat) au château de Versailles, le 9 juillet 2018. - CHARLES PLATIAU / POOL / AFP

Dans un climat extrêmement hostile en pleine crise agricole, une alliance gauche-droite de circonstance a permis jeudi au Sénat de s'opposer à la ratification du traité Ceta de libre-échange entre l'Union européenne et le Canada, une déconvenue embarrassante pour l'exécutif sur la route des élections européennes.

Le monde agricole réagit jeudi 21 mars de manière contrastée au rejet par les sénateurs du traité de libre-échange entre l'UE et le Canada, de la franche joie des éleveurs bovins au désarroi des exportateurs de vin.

En pleine crise agricole, une alliance gauche-droite de circonstance a permis au Sénat de s'opposer à la ratification du traité Ceta de libre-échange, appliqué provisoirement depuis 2017 à l'échelle européenne, une secousse non négligeable pour l'exécutif.

"Il y a des bonnes nouvelles de temps en temps", a jubilé auprès de l'AFP le président de la Fédération nationale bovine (FNB), Patrick Bénézit, par ailleurs deuxième vice-président du syndicat agricole majoritaire FNSEA. Selon lui, les sénateurs ont "enfin eu l'occasion de faire le bon choix, celui de ne pas ratifier un traité qui autorise des denrées alimentaires qui ne respectent pas nos conditions de production".

"Belle victoire"

Interbev, l'interprofession française qui défend les intérêts des professionnels de la viande (hors volaille et porc), a aussi salué cette décision, y voyant un "signal fort envoyé en faveur de la protection des standards français et européens".

Depuis le début de la crise agricole, en janvier, un moratoire sur les accords de libre-échange figure au premier rang des demandes des syndicats agricoles français qui, toutes tendances confondues, y voient une concurrence déloyale, même si certains pans de l'agriculture peuvent en profiter.

Selon eux, ces accords ouvrent la porte à des importations massives de produits alimentaires ne répondant pas aux mêmes normes, environnementales ou sociales, que celles imposées aux agriculteurs européens, souvent à des prix moins élevés.

D'un bout à l'autre du spectre, les syndicats agricoles se sont réjouis jeudi. Le président des Jeunes agriculteurs Arnaud Gaillot "salue" le vote sur X (ex-Twitter) au motif que "le manque de garanties sur la réciprocité normative aurait menacé nos filières d'élevage".

La Coordination rurale, deuxième organisation représentative derrière l'alliance majoritaire FNSEA-JA, "félicite les sénateurs qui se sont opposés à la marchandisation de notre modèle agricole". La Confédération paysanne, classée à gauche et historiquement opposée aux accords de libre-échange, y voit de son côté une "belle victoire", dans un communiqué.

"Mauvais coup"

Registre opposé à la Fédération des exportateurs de vins et spiritueux (FEVS), secteur agroalimentaire qui a le plus bénéficié du Ceta. Le vote des sénateurs "va porter un mauvais coup à l'ensemble de la filière des vins et des spiritueux", a déclaré à l'AFP le délégué général de la Fédération des exportateurs de vins et spiritueux (FEVS), Nicolas Ozanam.

"Dans un moment économiquement compliqué [pour les exportations de la filière, ndlr], se mettre dans une position délicate après une bonne dynamique [depuis la mise en oeuvre du traité] nous paraît totalement surréaliste", a-t-il regretté.

Quant à la filière laitière, qui a aussi davantage vendu de fromages au Canada depuis l'application provisoire du traité, elle est gênée aux entournures. Son interprofession, le Cniel, qui rassemble éleveurs, fabricants et distributeurs, n'a pas exprimé de position officielle avant le vote, signe des dissensions qui la traversent.

"Les industriels ont bénéficié de l'accord du Ceta, ils ont gagné des parts de marché, les producteurs de lait sont plus mesurés" quant au traité, résume le président du Cniel, Thierry Roquefeuil, lui-même éleveur et membre de la FNSEA, elle-même tiraillée sur le sujet.

"Les arguments de ceux qui sont contre sont pertinents. (...) C'est quand même compliqué de dire qu'on s'assoit sur les problèmes de la filière viande", remarque Thierry Roquefeuil, rappelant que les producteurs de lait sont liés au marché de la viande, via les veaux et les vaches réformées.

Sans être fermement opposé au Ceta comme les producteurs de vaches à viande, cet éleveur laitier du Lot n'est ainsi "pas définitivement persuadé que c'est quelque chose de bon pour l'agriculture en général".

CA avec AFP