Retraites: les dispositions que le Conseil constitutionnel a censurées

Le Conseil constitutionnel en août 2021 - STEPHANE DE SAKUTIN / AFP
Le gouvernement savait à quoi s'attendre. Avant même la présentation du projet de loi en janvier, le Conseil d'Etat l'avait averti du risque de voir certaines mesures retoquées par les gardiens de la Constitution. Mise en garde liée au choix d'un budget rectificatif de la Sécurité sociale pour faire passer la réforme.
C'était notamment le cas de l'"index seniors", censé pousser les grandes entreprises (plus de 300 salariés) à la transparence sur la place des salariés en fin de carrière, voire à négocier en cas de résultats insuffisants.
Malgré l'ajout en cours de route d'une sanction financière pour les employeurs récalcitrants, les Sages ont jugé que "ces dispositions n'ont pas d'effet ou un effet trop indirect" sur les recettes de la Sécu cette année et que par conséquent "elles ne trouvent pas leur place dans une loi de financement rectificative".
Mêmes causes, mêmes effets pour le "CDI seniors" ajouté à la demande de la droite sénatoriale, qui voulait créer un nouveau contrat de travail, exonéré de certaines cotisations, pour les chômeurs de longue durée de plus de 60 ans.
"Contraire à la Constitution" également, l'annulation du transfert à la Sécu du recouvrement des cotisations Agirc-Arrco. Une mesure technique, présentée dès le départ comme un geste de bonne volonté à l'égard des syndicats, qui cogèrent avec le patronat ce grand régime de retraite complémentaire des salariés du privé. Là aussi, le Conseil d'Etat avait prévenu: l'application était prévue début 2024, il n'y avait donc pas lieu de l'abroger dans un texte portant sur 2023.
L'argument valait pareillement pour le départ anticipé des anciens contractuels devenus fonctionnaires: les périodes effectuées en "catégorie active" (policiers, aides-soignantes...) avant leur titularisation ne seront prises en compte qu'après publication de la loi et n'auront donc "pas d'effet sur les recettes et les dépenses de l'année".
Idem pour la visite médicale à 60 ans des salariés "exposés à certains facteurs de risque" et susceptibles d'être reconnu "inapte au travail".
Enfin, les dispositions concernant l'information des assurés, en particulier ceux aux carrières hachées, ajoutées en dernière minute par la commission mixte paritaire, n'ont pas non plus échappé au couperet constitutionnel.
Pourquoi la forme a été validée
En dehors de ces articles accessoires, les Sages ont validé le coeur de la réforme, à savoir le relèvement de l'âge légal de départ de 62 à 64 ans d'ici 2030, ainsi que l'allongement de la durée de cotisation pour une retraite à taux plein de 42 à 43 ans d'ici 2027.
Approuvé aussi, la fermeture des principaux régimes spéciaux (RATP, EDF/Engie, Banque de France) pour les futurs embauchés à partir du 1er septembre.
Feu vert également à la revalorisation des petites pensions, à la fois pour les retraités actuels et futurs, mais aussi à la refonte des "carrières longues" qui pourront à l'avenir partir entre 58 et 63 ans, ou encore au "fonds d'investissement" pour les métiers pénibles.
Un blanc-seing sur le fond mais aussi sur la forme: saisi de nombreux griefs sur la procédure choisie par le gouvernement, qui a usé de tous les outils à sa disposition pour hâter les débats, le Conseil constitutionnel a certes reconnu que leur "utilisation combinée (...) a revêtu un caractère inhabituel".
Mais en fin de compte, il a estimé que cela "n'a pas eu pour effet de rendre la procédure législative contraire à la Constitution".