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"Thierry Beaudet? La société civile en politique, ça suffit": l’avis tranché d’Arthur Chevallier

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L’avis tranché d’Arthur Chevallier ce mardi sur RMC: alors que le nom de Thierry Beaudet circule de plus en plus pour Matignon, la société civile en politique, ça suffit. La démocratie a besoin d’élus, elle n’a pas besoin d’experts.

Le nom de Thierry Beaudet circule de plus en plus à propos de Matignon. Président du CESE, il est l’incarnation de ce qu’on appelle la société civile. Mais mettre des non-politiques à des fonctions politiques fait plus de mal que de bien à la démocratie… Thierry Beaudet a fait carrière dans les mutuelles avant d’être élu au CESE, c’est-à-dire la troisième assemblée après le Sénat et l’Assemblée nationale, pas la plus connue, pas non plus la plus utile, mais passons. Depuis quelques années, c’est la mode: mettre des gens issus de la société civile à des fonctions politiques, ministre par exemple. De loin, l’idée a l’air excellente: préférer la compétence à l’idéologie. Le problème, c’est que ça fausse complétement le principe de la démocratie.

L’efficacité n’est pas le seul critère. Être ministre, ça n’est pas être chef d’entreprise ou cadre supérieur. Les politiciens ont le droit de gouverner parce qu’en échange, ils sont responsables devant des électeurs. Et quand cet accord tacite entre les citoyens et les dirigeants n’est plus respecté, ça pose le problème de la confiance envers l’Etat. Si les électeurs ne sont pas contents, ils peuvent exprimer leur colère par leur vote. Si vous leur retirez cette possibilité en nommant quelqu’un de la société civile, ils exprimeront leur mécontentement autrement. Par exemple, par la violence. Ou en votant pour des extrêmes.

La matinale 100% info et auditeurs. Tous les matins, Apolline de Malherbe décrypte l'actualité du jour dans la bonne humeur, avec un journal toutes les demies-heures, Charles Magnien, le relais des auditeurs, Emmanuel Lechypre pour l'économie, et Matthieu Belliard pour ses explications quotidennes. L'humoriste Arnaud Demanche vient compléter la bande avec deux rendez-vous à 7h20 et 8h20.
L'avis Tranché : "Premier ministre de la société civile, une mauvaise idée !" - 03/09
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La politique, c’est d’abord et avant tout du désir

Alors, est-ce à Emmanuel Macron qu’on doit cette dérive? Pas seulement. Le principe du gouvernement d’experts fait partie de la tradition française. Et ça n’a pas toujours si mal marché. Par exemple, sous Napoléon III, la plupart des ministres étaient des techniciens. L’économie et l’industrie se portaient d’ailleurs très bien. Autre exemple, nettement moins glorieux cette-fois, celui de Vichy. Ce régime a lui aussi essayé un gouvernement purement technique entre 1941 et 1942 sous la direction de l’amiral Darlan. C’est d’ailleurs de cette époque que date l’expression en français de "technocratie". Plus tard, sous la présidence de Valérie Giscard d’Estaing, le Premier ministre Raymond Barre a été l’incarnation de l’économiste pragmatique, qui prenait des décisions en dehors de toute considération idéologique, disons même "de bon sens".

Si les gens raisonnables gouvernaient le monde, ça se saurait. Ce n’est pas parce que vous êtes excellent dans un domaine que vous êtes un homme d’Etat. Est-ce que vous croyez que de Gaulle s’y connaissait en physique nucléaire? Il a pourtant doté la France de la bombe atomique. Non, la politique, c’est d’abord de la volonté, de l’ambition, une vision et un lien avec le peuple. Et tout ça, ça ressemble parfois à de la magie.

La société civile participe à la grandeur de l’Etat, mais elle doit rester à sa place. Et d’ailleurs, ça mène parfois à des catastrophes. Regardez l’Italie, qui croyait avoir trouvé la solution miracle avec le gouvernement technique de Mario Draghi. L’expérience a duré moins de deux ans et a mené au triomphe de l’extrême droite avec Giorgia Meloni à sa tête. Ce n’était sûrement pas l’objectif. La politique, c’est d’abord et avant tout du désir. Les gens ne soutiennent pas un ministre seulement parce qu’il est compétent, mais parce qu’ils l’aiment. Et pour aimer, il faut connaître.

Arthur Chevallier