Une loi contre le narcotrafic examinée au Sénat ce mardi: vers un statut du repenti?

C'est ce mardi que le Sénat doit se pencher sur une proposition de loi pour "sortir la France du piège du narcotrafic". Un texte transpartisan, porté par le sénateur LR du Rhône, Etienne Blanc, et le Sénateur PS de Saône-et-Loire, Jérôme Durain. Ils reprennent les principales recommandations de la commission d'enquête sur le narcotrafic, qui a remis son rapport en mai 2024.
Il s'agit notamment de créer un parquet national anti-criminalité organisée (Pnaco), sur le modèle du PNF (parquet financier) ou du Pnat (parquet anti-terroriste), mais aussi de donner des outils à la police et à la justice pour lutter contre le trafic de drogue.
"L'information humaine, elle n'a pas de prix"
Le régime des repentis, ces criminels qui décident de collaborer avec la justice, est élargi. Seulement quelques dizaines de repentis depuis plus de 10 ans et la mise en oeuvre du statut. Et il faut pour cela ouvrir le statut aux auteurs de crimes de sang, défend le sénateur Jérôme Durain est président de la commission d'enquête sur le narcotrafic.
“On se prive des plus méchants, de ceux qui connaissent de l’intérieur ces réseaux. La société a besoin des informations qu’ils détiennent. Les enquêteurs ne peuvent plus utiliser des écoutes téléphoniques: aujourd'hui, tout se passe sur des messageries cryptées, qu'il est difficile d'aller casser", explique-t-il au micro de RMC
"Comme on ne peut pas avoir d'information numérique, l'information humaine, elle n'a pas de prix. Donc les repentis sont essentiels dans le dispositif d'investigation et de connaissance des organisations criminelles”, plaide-t-il.
"Pas suffisant"
Le texte prévoit d'augmenter les réductions de peine pour inciter à collaborer à la justice. Une avancée pour Clotilde Champeyrache, mais la spécialiste des mafias et des économies criminelles relativise: “Même si la loi existe, ça ne veut pas dire que les criminels vont être disponibles pour parler. Ça n'est pas suffisant, surtout si vous êtes haut placé dans une organisation criminelle, vous avez des liens qui vous lient à des personnes, parfois de votre propre famille”.
“La protection, c'est complexe, il faut que celui qui parle soit convaincu de bénéfice d'un dispositif suffisamment correct et puis en France, on est dans une situation où le recours à la violence est désinhibé. Donc les représailles sont faciles à envisager pour les réseaux criminels”, poursuit-elle.
Parler, pour un criminel, c'est aussi avoir confiance en un représentant de l'État. Une relation singulière et rare, souligne la maitre de conférence. “C'est utile, mais ça ne va pas être déterminant dans la lutte contre le narcotrafic. C'est une mesure qui reste exceptionnelle dans sa mise en application. C'est la rencontre de deux personnes”, conclut Clotilde Champeyrache.