"A chaque fois, on me refusait des rendez-vous": 150.000 demandes pour changer de nom en deux ans

Certains prénoms ou noms ne sont pas pour la vie. L'Insee a publié une étude ce jeudi 25 avril consacrée aux demandes de changement de nom de famille. Depuis juillet 2022, 150.000 personnes ont fait cette démarche. Un chiffre qui a triplé par rapport aux années précédentes.
Cette hausse des demandes s'explique par l'application de la loi Vignal, qui simplifie la procédure en permettant de substituer le nom de son autre parent ou d'ajouter le nom du deuxième parent au premier par une simple démarche en mairie. Précédemment, il fallait passer par la justice et la démarche devait être motivée.
Peu anodine, cette volonté de changer son nom de famille, voire son patronyme, est prise par certains pour contrer un système. Grégoire a ainsi changé de prénom pour éviter la discrimination. "J'ai choisi un prénom qui passe beaucoup plus facilement que mon prénom initial. A un moment, il y en a marre qu'on vous renvoie à vos origines, à votre religion", explique-t-il dans Apolline Matin.
Grégoire assure que ce nouveau prénom lui évite de procéder à un déballage de qui il est, de la provenance de ses parents ou "si je suis musulman, si je suis intégriste", énumère-t-il, évoquant des entretiens d'embauche lors desquels des questions liées à l'origine de son nom de famille sont posées.
"Aujourd'hui, on vit à une période où nous, les musulmans de France, on a l'impression d'avoir le Sida et on se cache", ajoute Grégoire.
Contourner la discrimination au travail
Sur le plan professionnel, ce changement de patronyme semble avoir des répercussions indéniables pour les personnes concernées. Bertrand, 47 ans, a changé de prénom sans le vouloir au cours de sa naturalisation. Son deuxième prénom français a été utilisé à la place de son premier prénom africain.
"Cela a changé énormément de choses. J'ai crée un nouveau LinkedIn avec ce prénom et ça m'a permis de passer des étapes professionnelles", explique-t-il.
Certains remarquent également cette différence tout en ayant gardé leur patronyme. Yaya est chef de projet et chef d'entreprise. Fier du prénom que lui a donné sa grand-mère, il a toutefois remarqué qu'il a été un frein dans son travail.
Lorsqu'il a ouvert sa société avec un ami, il a cherché un partenaire financier et a appelé plusieurs banques. "A chaque fois, on me refusait des rendez-vous, car on me disait que la société que je voulais ouvrir était dans un milieu trop dangereux sur le plan financier. Quand mon collègue a appelé, il a eu les rendez-vous", raconte-t-il.
"Encore plus dur pour la jeune génération"
Cette volonté de changer de prénom semble toucher davantage la jeune génération. D'après l'étude de l'Insee, la moitié des 150.000 demandes réalisées depuis juillet 2022 concerne des personnes âgées de 18 à 29 ans.
D'après Bertrand, ces jeunes sont davantage confrontés à des difficultés liées à leur nom. "Je pense que ça s'est empiré. L'ambiance actuelle ou la libération de la parole sur certains sujets... Je pense que ça devient encore plus dur pour la nouvelle génération", affirme-t-il.
De son côté, Yaya note "une montée de la différence", mais se garde d'évoquer du racisme. "En tant que musulman, je peux toutefois dire qu'il est de plus en plus dur de se plaindre de ça sans être accusé de victimisation. Chaque fois qu'on veut dénoncer quelque chose, on nous dit ça, alors qu'on veut juste notifier ce qu'il se passe dans notre vie au quotidien", conclut-il.