Commission Tiktok: "Pas au gouvernement de dire aux parents comment éduquer leurs enfants"

Un rapport parlementaire sur Tiktok, dévoilé jeudi, propose d’interdire l’accès aux réseaux sociaux aux moins de 15 ans et d’instaurer un "couvre-feu numérique" pour les 15-18 ans. Une réponse à ce que les députés appellent le "piège algorithmique", accusé de nuire à la santé des jeunes.
Les parents négligeants pourraient également être sanctionnés. Laure Miller, rapporteure de la commission, propose également d'instaurer un délit délit de négligence numérique qui serait puni de deux ans d'emprisonnement et de 30.000 euros d’amende, assume sur RMC ces propositions "choc".
Mais certains parents, qui ont d'eux-mêmes restreint l'accès aux réseaux sociaux à leurs enfants, ne voient pas d'un bon oeil ce qui pourrait être perçu comme une ingérence dans leurs méthodes éducatives.
"Certains parents ne sont pas responsables"
"Les parents ont une grande responsabilité dans l’éducation de leurs enfants", explique ce jeudi au micro des Grandes Gueules Raouf, influenceur TikTok, qui a ouvert récemment un restaurant et qui profite de la visibilité offerte par la plateforme. "J’ai une fille de 8 ans, c’est inconcevable qu’elle ait TikTok. Il faut qu’elle soit en présence d’un adulte. Ce qu’il faut, c’est de la prévention à l’école. Certains parents ne sont pas responsables : comment voulez-vous que vos enfants le soient si les parents ne le sont pas ?", regrette-t-il.
"Pas besoin de loi"
Un discours partagé par Virginie, assistante maternelle, qui a pris les devants avec sa fille adolescente. "Je lui ai interdit l’appli sur son téléphone. J’ai installé un contrôle parental : certaines applis sont interdites, il faut qu’elle demande l’autorisation et c’est moi qui débloque. Elle a aussi un temps d’écran par jour, certaines applis sont limitées à 30 minutes. Pas besoin de loi, il faut que les parents régulent", prône-t-elle.
Pourtant, selon une enquête de l'association Génération Numérique, parue en 2021, les parents supervisent peu ou pas les activités en ligne de leurs enfants. À peine plus de 50% des parents décideraient du moment et de la durée de connexion de leurs enfants et 80% déclarent ne pas savoir exactement ce que leurs enfants font en ligne.
Pour cette mère, la question relève avant tout du lien de confiance : "Quand on met un tel dans la main d’un ado, c’est une bombe. C’est à nous parents de responsabiliser. Il faut savoir parler à son enfant, c’est une confiance entre nous."
Un smartphone... sans réseaux sociaux
Des alternatives sont aussi à trouver du côté des industriels. Flora Ghebali, prend l'exemple de l'entreprise The Phone, qui a "créé un téléphone qui n’a pas les réseaux pour que les ados ne se sentent pas discriminés avec un téléphone ‘à l’ancienne’. C’est la meilleure solution", selon elle.
Cette dernière relève un bon élève à ses yeux: "Youtube, ça fait des années qu’ils ont un algorithme qui censure le porno, le contenu violent, etc. On peut laisser son enfant un peu devant Youtube, autant qu’à la télé. Mais certains réseaux ne sont pas encadrés. On ne peut pas laisser le Far West, il y a des zones de non-droit", martèle l'entrepreneuse.
"J'en ai marre qu'on attende tout de l'Etat", tempète Céline, maman d'un adolescent
Ludivine, mère de deux garçons de 14 et 11 ans, rejette fermement l’idée d'un couvre-feu numérique. "Chacun de mes enfants un téléphone pour qu’on puisse les joindre quand on a besoin. Ils ont les réseaux. Pas besoin de créer un délit de négligence, ce n’est pas au gouvernement de dire aux parents comment éduquer leurs enfants. Il y a plus de problèmes à régler en France, commente-t-elle sur RMC.
Compte Google enfant
Même constat pour Céline, maman d’un adolescent de 13 ans: "Quand il a eu son téléphone, je l’ai couplé au mien avec un compte Google enfant. Il n’a pas accès à certains sites, comme le porno ou les contenus violents. Le soir, je lui dis : je vais regarder dans ton téléphone si sur le groupe de classe il n’y a pas de méchancetés", détaille-t-elle, avant de fustiger une potentielle initaitive politique: "J’en ai marre qu’on attende tout de l’État. On est les responsables légaux de nos enfants, c’est à nous de les éduquer."
Majorité numérique à 15 ans non respectée
Si la loi française de juillet 2023 prévoyait déjà une majorité numérique à 15 ans, elle a été retoquée par Bruxelles, jugée non conforme au règlement européen sur les services numériques (DSA). Emmanuel Macron a depuis appelé à une interdiction harmonisée à l’échelle européenne. Le 14 juillet dernier, la Commission européenne a lancé une phase test d’une application de vérification d’âge, expérimentée notamment en France, pour "permettre aux enfants de profiter d’une expérience en ligne sécurisée".
Une étude de l’OMS publiée le 25 septembre dernier, révélait qu’en 2022, 11 % des adolescents montraient des signes d’utilisation problématique des réseaux sociaux. Ils n’étaient que 7 % quatre ans plus tôt. D'après une enquête de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), la première inscription sur un réseau social interviendrait en moyenne vers l'âge de 8 ans et demi.