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Parents difficiles, élèves violents: les démissions de profs s'amplifient ces deux dernières années

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ENQUÊTE RMC. Les enseignants qui quittent l'Éducation nationale sont de plus en plus nombreux. Et pourtant, difficile d'obtenir une rupture conventionnelle. Quatre sur cinq seraient refusées. Une situation qui pèse pour des professeurs à bout de nerfs.

2.400 enseignants ont volontairement quitté l’Education nationale en 2023-2024. C’est très peu comparé aux 850.000 professeurs des écoles, collèges et lycées de France. Et pourtant, c’est tout de même cinq fois plus de départs qu’il y a 10 ans.

Non seulement, le métier d’enseignant n’attire plus autant de candidats qu’avant, mais on n’a jamais vu autant de démissions de professeurs que ces deux dernières années. Les causes sont multiples et notamment des salaires trop bas.

"Gérer une classe en 2025 ça n’a plus rien à voir avec 2002"

Mais ça n’est pas pour l’argent que Sonia a décidé de quitter l’Éducation nationale. Elle a été professeure dans une école primaire parisienne pendant 23 ans.

“Gérer une classe en 2025 ça n’a plus rien à voir avec gérer une classe comme quand je suis entrée en 2002. On a des élèves qui sont moins attentifs, qui sont plus dispersés”, constate-t-elle.

Des enfants plus dispersés et des parents plus difficiles. Sonia a même vécu une expérience assez traumatisante avec un couple de parents d’élèves. Elle n’a pas pu compter sur le soutien de l’Éducation nationale:

“Je me suis retrouvé en difficulté avec un gamin de CE1, c’est quand même quelque chose de fou quand on y pense. Cet enfant était ingérable sauf que sa maman et son papa le soutenait dans tout, et on était accusé d’être racistes. Un papa, qui refuse de vous serrer la main, qui a tous les signes de radicalisation, ne serait-ce que dans son apparence", appuie l'ex-enseignante.

"On a finalement fait intervenir l’inspectrice de circonscription qui n’a pas même pas reçu la famille, mais qui nous a reçu en nous demandant de remettre du dialogue. Ça a été la douche froide. Toute l’année, je me suis retournée en sortant de l’école pour voir s’il n’allait pas m’arriver quelque chose à la sortie de l’école avec ce papa-là. C’est insupportable à vivre”, ajoute Sonia.

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Borne: "On doit mieux les accompagner"

Sur RMC-BFMTV ce jeudi matin, Elisabeth Borne, ministre démissionaire de l'Education nationale, a été invitée à réagir à ce témoignage qui ressemble à la contestation "pas de vague" d'il y a quelques années. Elle reconnaît qu'il y a du travail à faire sur "l'accompagnement" des profs:

"On doit être en soutien de nos professeurs. C’est pour ça que j’ai demandé qu’il y ait un interlocuteur unique pour faciliter les démarches, et l’écoute de tous les professeurs qui peuvent rencontrer des difficultés dans l’exercice de leur métier. Je peux vous dire aussi, qu’il y a aussi plus de la moitié des professeurs aujourd’hui qui considèrent qu’ils ne sont pas assez préparés à la gestion de leur classe et à l’exercice de leur métier. On doit mieux les accompagner et on doit mieux les préparer", souligne-t-elle.

Quitter l'Education nationale, une mission impossible?

Et pourtant, Sonia a eu de la chance, elle fait partie des 800 professeurs qui ont obtenu une rupture conventionnelle l’an dernier. Car quatre demandes de ruptures conventionnelles sur cinq sont refusées par l’Éducation nationale. Ça a été le cas de Stéphanie. Après 25 ans d’enseignement, elle n’avait plus l’énergie et se souvient d’élèves toujours plus irrespectueux d’années en années. Elle a choisi d’abandonner son poste de professeur de SVT à la rentrée 2024.

“Je ne me sentais plus du tout capable de faire ce métier, vraiment pas. Donc, finalement, j’ai fini par quitter mon travail en faisant un abandon de poste. L’inspectrice, je lui ai fait un mail pour lui faire part de mon abandon de poste, mais je n’ai jamais eu de réponse. J’aurais vraiment préféré que ça se passe autrement. Pour l’instant, je n’ai absolument rien et ça, je le vis très très mal parce que je pense avoir été une enseignante investie, motivée et se retrouver abandonnée comme ça, c’est quand même très dur”, assure-t-elle.

"On empêche les professeurs de quitter leur métier"

Car abandonner son poste, comme démissionner, ça veut dire partir avec rien, pas même de chômage. C’est pour ça qu’elle a fait appel à l’association Aide aux profs. Rémi Boyer est son président-fondateur. Il constate que beaucoup de démissions d’enseignants sont refusées pour “nécessité de service”.

“On empêche les professeurs de quitter leur métier. Comme le ministre demande qu’il ait toujours un professeur devant des élèves, l’Éducation nationale refuse dans un premier temps la démission. Ça veut dire que si le professeur n’est pas assez déterminé, il va se laisser impressionner", indique-t-il.

"Tout est fait pour que le professeur reste à vie dans l’Éducation nationale ce qui détonne par rapport au marché du privé. L’éducation nationale fonctionne à l’envers de tout le monde”, ajoute-t-il.

Et si on sait combien de professeurs démissionnent, on ignore combien demandent à démissionner chaque année. Pour Rémi Boyer, c’est le grand tabou de ce ministère.

Bérengère Bocquillon avec Guillaume Descours