La France va-t-elle manquer d'agriculteurs? Le problème du renouvellement des générations

Le Salon de l'Agriculture est l'occasion pour le monde agricole partager ses difficultés. Cette année, la survie de nos campagnes et du métier de paysan inquiète particulièrement. Le président du salon, Jean-Luc Poulain estime qu'il faut tout mettre en œuvre pour "que la France arrête de perdre sa souveraineté alimentaire" et évite de manquer d'agriculteurs "comme on manque de médecins".
C'est le problème fondamental du renouvellement des générations. Ainsi, il faut considérer que le nombre d'exploitations agricoles a été divisé par quatre en cinquante ans. Une situation qui ne risque pas de s'améliorer car la moitié des chefs d'exploitations atteindront l'Age de la retraite dans la décennie qui arrive.
C'est ce chiffre en particulier qui inquiète le gouvernement car l'enjeu derrière ces données reste la question très à la mode depuis le début du conflit en Ukraine de la "souveraineté alimentaire" ou comment la France peut-elle subvenir à nos seuls besoins alimentaires et limiter les importations.
800 euros par mois
Pour stopper cette hémorragie, les syndicats de la profession sont unanimes et estime qu'il faut revaloriser le métier et faire en sorte que les agriculteurs vivent décemment de leur production. Stevenn Personne a 25 ans. Cet éleveur de vaches laitières à Guerguiniou dans les Côtes d'Armor est un passionné de son métier. Mais il reconnaît qu'il demande beaucoup de sacrifices.
"C'est beau de se dire on se lève le matin pour nourrir la population. Mais le paradoxe c'est que des agriculteurs ont du mal à se nourrir eux-mêmes" explique-t-il.
Pour lui, "c'est bien beau de vouloir installer des jeunes, mais il faut qu'ils puissent en vivre de leur travail." Il explique avoir investi 400.000 euros, il y a un an, pour ouvrir son exploitation, et gagne actuellement 800 euros par mois. Un "paradoxe" qu'il juge "démotivant".
Des aides difficiles à obtenir
Il existe bien des aides pour accompagner les agriculteurs qui veulent se lancer. Sauf que pour les obtenir, les démarches relèvent souvent du parcours du combattant. Stevenn s'est lancé en novembre 2021. Il a monté son dossier pour obtenir l'aide à l'installation agricole, pour finalement découvrir qu'il n'était pas éligible. En cause, la petite ligne du contrat qui consiste à avoir "un diplôme de niveau 4", c'est-à-dire l'équivalent du Baccalauréat: "Je n'avais qu'un CAP. Donc ça ne rentrait pas en compte pour avoir la dotation qui aurait quand même été une grosse bouffée d'oxygène pour démarrer."
Stevenn n'avait même pas démarré sa nouvelle exploitation quand il a appris cette nouvelle. Celui qui dit avoir "une grosse expérience comme salarié" agricole dénonce un système "un peu écœurant, car (il n'était) pas novice."
"Qu'ils prennent des garanties en disant qu'on veut installer des gens avec un certain niveau, je comprends, mais il y a aussi des compétences pratiques: ce sont des choses qui devraient être prises en considération dans les futures pratiques agricoles."
L'absence de cette aide a d'ailleurs été un frein à sa demande de financement auprès des banques: "J'avais mis trois banques dans la boucle. Quand je leur ai annoncé que je n'aurais pas l'aide à l'installation, une m'a lâché et la deuxième m'a financé, mais c'était plus dur, avec moins de force." Au total, ce sont 25.000 euros qui lui passent sous le nez.
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"Un pacte de génération" pour l'agriculture?
Du côté politique, le gouvernement prépare "un pacte de génération" pour l'agriculture et l'Élysée explique qu'une concertation est lancée. Parmi les différentes pistes étudiées, celle, par exemple, de proposer à un jeune agriculteur de s'installer à temps partiel avec un agriculteur bientôt à la retraite.
Si le syndicat Jeunes Agriculteurs, lié au principal syndicat du secteur, la FNSEA, plaide pour une modernisation et une simplification des démarches existantes, la confédération paysanne va plus loin. Son porte-parole, Nicolas Girod, demande de lever certaines conditions d'accès à ces aides et notamment la restriction d'âge. En effet, à partir de 40 ans, "on ne peut plus toucher cette dotation", explique
"Il nous semble qu'il faut la faire sauter (cette limite d'âge). C'est terminé les gens qui s'installent à 20 ans et qui vont faire toute leur carrière dans le même métier. On sait très bien que des gens vont changer de carrière une ou plusieurs fois dans leur vie. Ça ne veut pas dire qu'on installera avec un coup de baguette magique plus de monde mais ce serait une facilité."
Une facilité d'autant plus importante qu'aujourd'hui plus de 50 % des agriculteurs s'installent, selon lui, sans ces aides.