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Affaire des respirateurs potentiellement cancérogènes: Philips fait pression sur l'avocat des victimes

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Alors que la France a demandé à Philips de remplacer au plus vite ses 370.000 respirateurs potentiellement cancérogènes, l'avocat en charge de la procédure collective a entamé cette semaine un tour de France, pour aller à la rencontre des patients. Dans le même temps, Philips le met en demeure de retirer les mots "cancer" et "défectueux" de son site internet.

Ils étaient une petite vingtaine dans la salle d'un espace de coworking à Roubaix dans le Nord mardi soir. Des utilisateurs d'appareils Philips d'apnée du sommeil venus échanger avec l'avocat en charge de la future procédure groupée en justice. Depuis la diffusion du témoignage d'un patient sur RMC début février, plus de 550 autres se sont inscrits sur la plateforme d'action groupée pour attaquer Philips en justice dans cette affaire qui porte déjà un nom : le respiratorgate.

Parmi eux, Oihiba, qui travaille dans la communication. Comme la plupart des patients, elle a découvert le scandale dans les médias il y a quelques semaines, alors que les autorités sanitaires étaient prévenues depuis le mois de juin dernier:

"Pourquoi l'information ne nous est pas parvenue ? Pourquoi on ne nous a pas changé notre matériel, j'ai besoin de réponses, pourquoi on a laissé faire ça ? Aujourd'hui je suis appareillée avec une autre marque, je me sens mieux, je ne suis plus fatiguée la journée, je n'ai plus de problème du tout".

Philips n'a remplacé que 15% de ses machines

A ce jour, Philips, interrogé par RMC, admet n'avoir remplacé que 15% de ses machines potentiellement défectueuses, malgré la décision de police sanitaire prise par la France pour l'obliger à accélérer son calendrier et atteindre un taux de remplacement de 75% au mois de juin. Las, le géant mondial des technologies médicales sait déjà qu'il ne respectera pas la décision : "Philips anticipe une production à hauteur de 56% d’ici juin, en dépit des très grandes difficultés inhérentes au contexte mondial actuel", explique-til dans un communiqué.

En attendant, des dizaines de milliers de français continuent donc d'utiliser leur appareil Philips, comme le conseille l'Agence du médicament (ANSM), dans un document adressé aux patients.

Le mari de Marie-Noëlle par exemple, n'a toujours pas pu changer sa machine : "Il est appareillé depuis 2017 et on vient de lui diagnostiquer un myélome, un cancer du sang. On se pose la question du lien de cause à effet. Mon mari est en colère parce qu'il est sous chimiothérapie et toujours exposé à ces substances qui peut-être lui ont créé cette maladie".

"Une procédure bâillon", dénonce l'avocat des victimes

Des témoignages, Maître Christophe Lèguevaques en reçoit des centaines chaque semaine, suffisamment pour inquiéter Philips. Le géant de l'électronique lui a envoyé la semaine dernière une mise en demeure pour qu'il retire de son site internet les mots "cancers" et "défectueux" pour qualifier les machines incriminées.

Philips accuse l'avocat de "générer un risque de santé publique pour les patients qui seraient tentés d'arrêter leur traitement par peur de développer un cancer". Pour Maitre Lèguevaques :

"C'est une procédure bâillon. Ils essaient de me faire taire, de faire croire aux malades que c'est moi qui raconte n'importe quoi, mais ce n'est pas la réalité. Nous avons repris exactement les mots qu'eux-mêmes ont utilisé dans leur communication officielle, c'est Philips qui parle de risque potentiel de cancer, nous ne faisons que reprendre leur expression pour informer, ce qu'ils n'ont pas fait, les malades".

De prochaines réunions de patients auront lieu à Marseille, Bordeaux, Toulouse, Lyon, Mulhouse et Nancy. L'avocat prévoit d'aller à leur rencontre au moins une fois par mois.

Marie Dupin (édité par J.A.)