Covid-19: Didier Raoult a-t-il procédé à un "essai thérapeutique sauvage"?

Seize sociétés savantes de médecine ont publié, dans le journal Le Monde, une tribune cinglante à l'encontre des autorités et de Didier Raoult, l'ancien directeur sulfureux de l'IHU de Marseille. Les professionnels de la médecine interpellent les autorités sur une absence de sanctions à l'encontre du professeur marseillais.
Il faut revenir à l'année 2020 pour comprendre les raisons de la colère des scientifiques. Peu après la propagation du nouveau coronavirus, le SARS-CoV-2, le professeur de médecine Didier Raoult annonce rapidement l'efficacité supposée de l'hydroxychloroquine sur certains de ses patients atteints de la Covid-19.
Le débat fait rage dans les médias, le sujet devient même la cible de nombreuses théories du complot… Mais en octobre 2020, l'Agence nationale de sécurité du médicament refuse la demande de l'IHU de Marseille d'utiliser l'hydroxychloroquine pour les patients Covid.
Un risque de mortalité augmenté de 11%
Malgré ce refus, l'établissement dirigé par le professeur Raoult continue d'administrer le médicament.
"Ça continue pendant encore près d'un an sans que personne ne bloque" le processus, explique Mathieu Molimard, qui dirige le service de pharmacologie du CHU de Bordeaux (Gironde).
Le hic, c'est qu'une fois encore en avril dernier, l'Agence du médicament (ANSM) a estimé que l'utilisation de l'hydroxychloroquine "expose les patients à de potentiels effets indésirables qui peuvent être graves". En effet l'utilisation de l'hydroxychloroquine représente un risque de mortalité augmenté de 11%. Mathieu Molimard répète ce chiffre, tout en se disant "sidéré".
"Les auteurs continuent à dire "vous voyez on a soigné des patients"... Non on les a maltraités! Certains patients ont reçu des prélèvements rectaux pour aller voir s'ils avaient du virus dans les selles, sans qu'il n'y ait la moindre autorisation clinique (...)", dénonce le docteur Mathieu Molimard, chef du service de pharmacologie au CHU de Bordeaux
Signataire de la tribune conjointe, Mathieu Molimard assure que les "patients" de Didier Raoult pris en charge lors de cette période "ont servi de cobaye à la recherche". De quoi entamer la crédibilité scientifique, craint-il.
L'ANSM "analyse" la situation
"Là on a eu des personnes qui ont grillé dix fois, cent fois un feu rouge, et personne n'a sifflé!", compare le docteur Molard. Ce dernier a peur de voir une réplique de cette méthode erronée d'étude médicale, jugeant que "demain n'importe quel charlatan va pouvoir trouver le médoc de son inspiration du jour et il regardera a posteriori si c'était bien ou pas bien".
L'Agence nationale de sécurité du médicament a confirmé dimanche "analyser" la situation. Les signataires de la tribune réclament une réaction rapide des autorités.
Le parquet de Marseille avait ouvert en juillet 2022 une information judiciaire, après un rapport cinglant de l'ANSM, pour "faux en écriture", "usage de faux en écriture" et "recherche interventionnelle impliquant une personne humaine non justifiée par sa prise en charge habituelle".