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"Des pertes de chances quotidiennes": face à la crise à l’hôpital, l’Etat visé par une procédure

Six associations de malades et de soignants ont lancé une procédure contre l'Etat pour "carences fautives", face au manque de personnel dans les hôpitaux.

Des greffes reportées faute de lits disponibles, des heures passées aux urgences sans être pris en charge faute de soignants... Ces situations, ce sont des pertes de chances médicales pour les patients. Face à la crise à l'hôpital, six associations de malades et de soignants ont lancé ce mardi une procédure contre l'Etat pour "carences fautives". Ils accusent le gouvernement de laisser couler l'hôpital public et demandent une "réclamation indemnitaire" pour compenser ces pertes de soins L'objectif: que l'Etat reconnaisse sa responsabilité dans les défaillances du système de santé.

"Nous avons exploré toutes les voies possibles pour alerter sur la situation de l’hôpital, nous nous tournons vers la voie juridique", a expliqué Anne Gervais, porte-parole du Collectif Inter-Hôpitaux. Selon le Dr Sophie Crozier, co-fondatrice de ce collectif, responsable de l'unité de soins intensifs neuro-vasculaires à la Pitié-Salpêtrière, "on est dans une situation à l’hôpital public qui est vraiment catastrophique" et "les pertes de chances sont quotidiennes, dans nos services".

"Tous les jours, les pompiers appellent et on est obligé de refuser des malades"

"Je m’occupe d’une unité neuro-vasculaire et en Ile-de-France, on est à 30-40% de lits qui sont fermés, 45% à l’AP-HP. Ce sont des lits qui accueillent des patients victimes d’AVC, c’est une perte de chances majeure, insiste-t-elle dans 'Apolline Matin' sur RMC et RMC Story. Quand les patients sont pris en charge dans des services comme les nôtres, ça réduit de 25% le handicap et la mortalité. Ne pas y avoir accès, c’est une perte de chances. Tous les jours, les pompiers appellent et on est obligé de refuser des malades. Ils sont obligés d’appeler une deuxième, une troisième, une quatrième unité neuro-vasculaire… Le temps s’écoule et chaque minute compte. Ce sont des gens qui ont fait un AVC et qui ne peuvent pas avoir accès aux structures de soins."

"L’accès est plus difficile et la qualité et la sécurité sont moins bonnes, parce qu’on a moins de soignants, parce qu’on a des intérimaires, parce qu’on a une grande partie de nos équipes qui sont parties, qui sont épuisées par les conditions de travail", ajoute la neurologue de la Pitié-Salpêtrière.

"Ça n’a pas changé, ça s’est même aggravé"

Et ce sont de nombreux services, couvrant différents domaines, qui sont touchés. "Les associations de patients qui sont avec nous dans cette réclamation signalent des situations de personnes qui ne peuvent pas avoir accès aux soins, notamment à des greffes de moelle osseuse pour les leucémies, explique le Dr Sophie Crozier. Ça devient extrêmement difficile. Il y a une partie des blocs opératoires qui sont fermés, à peu près un tiers sur l’AP-HP. Ça veut dire que des interventions chirurgicales sont reportées, en sachant qu’on a déjà pris du retard."

Malgré les alertes des soignants et les annonces du gouvernement, la crise de l’hôpital continue de s’accentuer selon le Dr Sophie Crozier. "Non seulement ça n’a pas changé, mais ça s’est même aggravé depuis 2019, assure-t-elle. L’hôpital commençait à brûler. Malgré les difficultés préexistantes à la crise Covid, rien n’a changé."

LP