Emission de M6 sur l'obésité: "Les candidats vont être utilisés avant d'être abandonnés"

Gras politique, collectif de lutte contre la grossophobie, a lancé une pétition pour dénoncer la future émission de télé-réalité de M6. L'émission, présentée par Karine Le Marchand et Cristina Cordula, suivra des personnes obèses décidées à se faire pratiquer une opération de chirurgie bariatrique (pose d'un anneau gastrique ou ablation d'une partie de l'estomac). Daria Marx, membre de Gras Politique, rappelle sur RMC.fr que l'obésité est une maladie et que ces opérations peuvent avoir des répercussions dramatiques.

Daria Marx, membre de Gras Politique, collectif de lutte contre la grossophobie systémique, à l'origine de la pétition "M6 et Potiche Prod, annulez votre émission grossophobe".

"L'obésité, c'est une maladie chronique et grave. Les opérations qui seront représentées dans cette émission sont très impactantes. On sait aujourd'hui qu'elles peuvent très bien fonctionner comme avoir des conséquences assez catastrophiques. Dans les deux cas, ce sont des opérations qui changent la vie des gens et qui remettent en cause leur manière de vivre et leur identité, ce qui est très difficile à gérer. Et quand on voit les noms de Karine Le Marchand et Cristina Cordula - deux personnes qui font dans le divertissement - associées à ce genre d'opérations, ça nous fait froid dans le dos. Mettre la chirurgie bariatrique sur le plan de l'apparence, c'est nier toute la réalité de l'obésité.

"On ne peut pas en vouloir à ceux qui vont être candidats"

Il y aura bien sûr des candidats. On ne peut pas leur en vouloir de candidater parce qu'en tant qu'obèses, on nous met une telle pression sur le fait qu'il faut maigrir à tout prix, que maigrir changera notre vie. Il n'est pas question d'en vouloir à ceux et celles qui souhaitent participer à ce genre d'émission, il est question de demander aux chaines et aux productions d'être raisonnables et raisonnées sur le sujet. Les candidats vont être utilisés, puis après vont être abandonnés. Comme tous les patients qui subissent une telle opération d'ailleurs, puisque 60% de ceux qui les subissent n'ont aucun suivi post-opératoire, ce qui est dramatique. Les candidats vont avoir une image tronquée de ce qu'est la réalité de leur vie après l'opération.

"Une opération miracle, un petit relooking et tout irait bien?"

On est d'ailleurs en droit de s'inquiéter de ces opérations qu'on pratique sur les obèses aujourd'hui. On s'aperçoit maintenant que l'anneau gastrique, par exemple, qui était la panacée contre l'obésité il y a quelques années, est en train d'être décrié à cause des effets secondaires subis par les patients (42% des anneaux ont été ôtés pour complication, ndlr). Ce qui est dangereux c'est de faire croire aux gens qu'il suffit de passer sur une table d'opérations pour régler son problème d'obésité, c'est donner une image extrêmement simple de l'obésité. Alors que l'obésité est multifactorielle, qu'il y a plusieurs types d'obésité, plusieurs types de patients et qu'il n'y a pas qu'une solution à apporter. Présenter ça comme l'opération miracle, avec un petit coup de relooking par-dessus pour faire que tout va mieux, c'est vraiment faire offense à tous les gens qui galèrent dans des parcours de soins avec ou sans opérations bariatrique.

"Non, la médecine n'est pas bienveillante avec les obèses"

L'émission va présenter ce service de chirurgie sous un bon angle alors qu'on sait que la prise en charge des personnes obèses à l'hôpital est très compliquée, parce qu'il n'y a pas de politique public d'équipements pour les personnes obèses. Les tensiomètres sont trop petits, les balances ne dépassent pas 110 kilos maximum… il y a même des personnes obèses qui ne peuvent pas se faire opérer parce que la table d'opérations ne supporte pas leur poids. Même dans la médecine de ville pour les soins quotidiens, il y a de la grossophobie médicale: même si vous arrivez avec une angine, on va vous dire que c'est lié à l'obésité. Donc mettre en scène une médecine qui prend en charge les obèses de manière bienveillante, cela ne correspond pas à la réalité de ce que nous vivons en tant qu'obèse".

Propos recueillis par Philippe Gril