Moi, Nadine, handicapée, j'ai fait une crise d'épilepsie après avoir été séquestrée par mon supérieur

- - JEAN-PIERRE MULLER / AFP
Nadine, 45 ans, employée handicapée d'un Conforama de Niort (Deux-Sèvres):
"J'ai une maladie du système nerveux central qui me provoque des lésions sur le cerveau, la moelle épinière, les yeux. J'ai été opérée du cerveau en 2011 mais il me reste encore des lésions au cerveau. Suite à ces problèmes de santé et à mon opération, j'ai obtenu un poste aménagé en 2013. Ça se passait très bien jusqu'à l'arrivée de la nouvelle direction en 2015. Mais, un matin, le nouveau directeur m'a dit qu'il avait décidé que je n'avais plus le droit à un poste aménagé. Je lui ai répondu que ce n'était pas comme ça que ça se passait, qu'il fallait une décision d'un inspecteur du travail.
"C'est humiliant, dégradant"
Le directeur m'a répliqué que c'était lui qui décidait et non pas l'inspecteur. Je suis donc allée voir la médecine du travail qui lui a fait un premier rappel, puis un deuxième. Au total, ils ont fait cinq rappels. Ensuite, un inspecteur est venu et lui a demandé de remettre le poste en question. Il ne l'a jamais fait. J'ai seulement un semblant de poste aménagé avec un semblant d'ordinateur, une chaise de bureau non adaptée, un poste de travail qui n'en est pas un.
En fait, à l'heure actuelle, chez Conforma, je ne dois plus justifier de mes bons résultats, comme une employée normale. Moi, tous les six mois, je passe devant le médecin de l'inspection du travail pour justifier mon dossier médical. Précisément, je dois justifier que je suis apte à travailler parce que mon directeur conteste cette aptitude. C'est humiliant. C'est dégradant. Tous les six mois, je revis ma maladie… Je reprends en pleine gueule que je suis malade. C'est affreux.
"J'ai plus de maux de tête, de stress"
En raison de mon handicap, mon poste doit se trouver en retrait de la clientèle, au calme alors que, là, je me retrouve avec les clients, avec du monde autour. Je n'arrive pas à me concentrer. Or, j'ai besoin de plus de concentration qu'une personne 'normale' en raison de ma maladie du système nerveux. Du coup, j'ai plus de maux de tête, de stress.
Il y a 15 jours, mon supérieur m'a fait venir dans un local, qui sert de réserve. Il a fermé les portes à l'aide de bannette de papiers et m'a demandée de lui donner un carnet. Il s'agit d'un carnet personnel dans lequel je note certaines choses pour m'en souvenir. Je recense notamment les dégradations de ma condition de travail. J'ai noté par exemple la fois où il m'a dit que je ferais mieux d'aller chez FO (Nadine est syndiquée à la CGT, NDLR) comme ça j'aurais moins d'emmerdes. J'y ai noté toutes les intimidations de ma direction. Pour que je m'en rappelle vu que j'ai des problèmes de mémoire… Il y a aussi mes mots de passe professionnels.
"J'ai porté plainte"
Comme je ne voulais pas le lui remettre, j'ai sorti mon téléphone portable et lui ai dit qu'il était minable de se servir de ces méthodes pour m'intimider. Il a commencé à prendre peur et m'a libérée au bout de quinze minutes. Quand il est parti, un collègue m'a trouvé très mal. On est allés en salle de pause et j'ai fait une crise d'épilepsie. Les pompiers sont arrivés et m'ont emmené. Suite à ça, je suis en arrêt maladie jusqu'au 28 mars.
J'ai porté plainte le lendemain et la CGT devrait se porter partie civile. J'ai aussi déposé mon dossier devant le Défenseur des droits. Ils m'ont dit que mon entreprise faisait de la discrimination sur mon handicap et de la discrimination syndicale. Désormais, j'attends que Conforama France prenne conscience de ce que je vis. J'aime l'enseigne pour laquelle je travaille et j'ai envie de continuer à y travailler. Il y a deux ans ça se passait très bien. Je pense donc que mes problèmes existent à cause de la direction, plus précisément à mon directeur. J'espère donc que Conforama France ouvrira les yeux sur le management actuel et ne couvrira pas ses agissements. C'est tout ce que je demande".