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Surtourisme à Paris? "Il ne faut pas tuer la poule aux œufs d’or"

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Les touristes sont bien de retour cet été à Paris, pour le plus grand plaisir des commerçants. Mais certains habitants se plaignent d'un surtourisme. Pour l'adjoint au tourisme de la mairie de Paris Frédéric Hocquard, les visiteurs sont importants mais il faut pouvoir réguler.

Y a-t-il trop de touristes à Paris? La capitale accueille entre 35 et 40 millions de visiteurs chaque année et cette hausse semble se poursuivre cet été d'après l'Office de tourisme de la ville qui parle d'un "effet Jeux Olympiques".

L'adjoint au tourisme de la mairie de Paris Frédéric Hocquard, invité sur RMC, souhaite réguler cette fréquentation dans la capitale. Selon lui, "les projections d’affluence de +10% entre 2024 et 2025 vont nous amener à des phénomènes d’embolies".

"Il y en a trop"

Le surtourisme est-il une réalité? RMC est allé mesurer ce phénomène dans le quartier historique du Marais. Aux terrasses des cafés, il y a plus de vacanciers étrangers que de locaux, comme Martha, touriste polonaise. Elle le reconnaît volontiers, les deux langues majoritaires sont "l'anglais et l'italien, plus que le français. Je pensais que ce quartier serait plus typique, qu'il y aurait plus de locaux, de Parisiens. Mais ce n'est pas le cas". "Il y a plus de touristes aujourd'hui, il y en a trop selon moi", explique-elle.

Pour l'adjoint à la mairie Frédéric Hocquard, il n'y a pas de doute, "les touristes sont de retour": "on a subi une grosse crise du Covid, avec ses conséquences derrière, mais aujourd’hui, on a retrouvé des niveaux de fréquentation comme avant la crise". Un retour en beauté qui a permis sur le premier semestre de "rattraper le manque à gagner de 2024 sans problème".

"C'est dans son ADN"

Cette forte fréquentation cet été, c'est quelque chose qui le réjouit, dit-il, car "Paris est une ville touristique, c’est dans son ADN". Sans compter les conséquences positives qui vont avec: "15% de l'emploi à un rapport direct avec le tourisme".

"On n'a pas fait les JO pour dire aux gens 'ne venez pas', évidemment qu’ils ont envie de venir", assure Frédéric Hocquard sur RMC.

Mais il s'inquiète tout de même. "La sonnette d'alarme que je tire, c’est qu’on commence à avoir des effets de surtourisme dans certains quartiers". Il milite donc pour "faire de la régulation, parce qu’on a aussi des Parisiens qui commencent à le dire".

Difficile justement de se frayer un chemin dans les ruelles bordant le Centre Pompidou pour Mireille, une historique du quartier. "On est à touche-touche comme dans certaines rues de Venise. J'ai quand même un peu l'impression que c'est Disneyland".

Le choix de Martin : Frédéric Hocquard - 14/08
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Les dérives d'Airbnb

Installée dans le Marais depuis un demi-siècle, elle a vu les touristes arriver jusque dans son immeuble où des appartements sont désormais loués sur Airbnb: "ils arrivent avec les valises, parfois à trois heures du matin. C'est une nuisance sonore qui ne se sent pas concernée par la vie de l'immeuble".

"Nous sommes tous très respectueux les uns envers les autres, on essaie de ne pas faire de bruit, et là les gens qui ne viennent que pour un week-end ils s'en fichent", souffle-t-elle.

En janvier dernier, la mairie de Paris a abaissé le nombre de nuitées autorisées sur Airbnb de 120 à 90 par an pour les résidents principaux. "On demande à ce que des contrôles puissent être renforcés", explique l'adjoint au tourisme à la ville de Paris, car "on continue à avoir des immeubles entiers à la location sur Airbnb".

"Un centre commercial à ciel ouvert"

Mais ce n'est pas suffisant selon Guy. Le commerçant ne reconnaît plus son quartier: "le Marais est mort, ce côté convivial, village, où on venait pour rigoler, faire la fête, passer des bons moments et être bien, c'est fini".

Il parle d'un vrai changement d'ambiance: "on en a fait un centre commercial à ciel ouvert. On avait un super boulanger qui est parti d'ici, sa boutique a été rachetée, ça va être une grande enseigne de cosmétique, qu'est-ce que vous voulez faire avec ça? Ce n'est pas ça qui va faire vivre le Marais".

Mais pour Guy, le problème ne vient pas forcément des touristes, il l'affirme, leur présence est nécessaire pour faire vivre son commerce, surtout en plein mois d'août. L'année dernière, 48.7 millions de touristes ont été dénombrés, soit une hausse de 2% par rapport à l'année dernière, selon les chiffres de Choose Paris Region.

Des solutions pour réguler

Frédéric Hocquard a, lui, plusieurs pistes pour réguler cette forte affluence. D'abord, il veut s'attaquer aux bus touristiques, les tours opérateurs: "on a demandé au gouvernement qu’on puisse limiter leur nombre sur certaines zones".

"Entre 500 et 700 cars entrent dans Paris chaque jour, ce n’est plus possible", justifie le professionnel.

Autre moyen pour réguler: "on vend moins de billets à l’année à la Tour Eiffel". Pour améliorer l’expérience des visiteurs, la Tour a abaissé en 2024 le seuil de visiteurs de 7,5 à 6,5 millions sur l’année. Et à la cathédrale Notre-Dame, un principe d'horodatage des billets a été mis en place. Une idée qu'il envisage pour le Sacré-Cœur de Montmartre ou encore Versailles.

Et alors que les arrivées aériennes sont censées augmenter de 7% en août par rapport à l'année dernière selon l'office de Tourisme de Paris, il réfléchit aujourd'hui à un "tourisme différent": "qu’il y ait moins d'avions et plus de trains, ça aussi c’est une vraie difficulté sur les questions de bilan carbone. C'est une question importante".

Finalement, il se réjouit de l'arrivée des touristes, mais souhaite surtout une "meilleure répartition, et avoir les moyens de désengorger Paris". Mais, "pour l’instant, ça nous est refusé", dit-il. Et ce dont il a peur, c'est de se retrouver "dans une situation où les habitants pourraient rejeter le tourisme. Il ne faut pas tuer la poule aux œufs d’or". Car malgré tout, "on veut rester la capitale mondiale du tourisme", conclut-il.

Solenn Guillanton avec Rachel Saadoddine