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Fin des moteurs thermiques en 2035: pourquoi l’Allemagne bloque le texte européen

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Alors que l’Europe devait acter la fin des moteurs thermiques pour les véhicules neufs en 2035, l’Allemagne a fait savoir qu’elle ne voterait finalement pas ce texte. Les explications de Nicolas Poincaré dans "Apolline Matin" ce jeudi sur RMC et RMC Story.

L’Allemagne vient de créer la surprise en refusant de voter la fin des moteurs thermiques en 2035. C'était pourtant la date qui avait été retenue pour le passage au tout électrique en Europe. Cela devait être la fin de la vente des voitures à essence, l’obligation de ne vendre que des véhicules réduisant de 100% les émissions de gaz à effet de serre. Donc de facto, plus que des voitures électriques ou à hydrogène.

Les Etats membres et le Parlement européen avaient validé cette échéance de 2035, il ne restait plus qu'à la faire voter cette semaine par le Conseil de l’Union européenne. Ce devait être une pure formalité. Mais surprise! A la dernière minute, l’Allemagne a fait savoir qu’elle ne voterait pas le texte. Et sans l’Allemagne, le texte ne peut pas être adopté.

Il fallait un vote qualifié, c'est-à-dire le vote des pays représentant tous ensemble 65% de la population européenne. Or, trois pays étaient déjà défavorables au tout électrique en 2035: l’Italie, la Bulgarie et la Pologne. Vous rajoutez l’Allemagne et on n'atteint plus la barre nécessaire, le projet capote…

C’est l’Italie qui a d’abord pris la tête de ce combat. Depuis la victoire de la coalition de Giorgia Meloni, Matteo Salvini, le leader de la ligue d'extrême droite, est ministre de la Mobilité durable et il a fait de la défense du moteur thermique un combat personnel. Selon lui, ce projet d’interdiction en 2035 est une folie, une bêtise absolue qui va détruire des milliers d'emplois en Italie et en Europe. Il ne profite qu’à la Chine, leader en matière de voiture électrique.

Les Allemands, eux, étaient très favorables à l’interdiction en 2035, à l'exception des dirigeants du parti libéral. Et le gouvernement a été obligé de s’aligner sur la position de ce petit parti qui est membre de la coalition au pouvoir et qui dispose en quelque sorte d’un droit de veto. Les libéraux défendent l’industrie automobile allemande et en particulier les constructeurs qui, comme Porsche, ne veulent pas abandonner les moteurs classiques. Parce qu’ils sont les meilleurs dans ce domaine et qu’ils ne veulent pas abandonner ce savoir-faire.

La position de l’Allemagne, c’est que d’ici 2035, on parviendra sans doute à fabriquer un carburant synthétique, sans pétrole, qui permettrait de polluer beaucoup moins. Mais beaucoup moins, ça ne veut pas dire plus du tout. Or le texte que l'Europe s'apprêtait à adopter prévoit qu’en 2035, les voitures devront avoir réduit leur pollution de 100%. Les carburants synthétiques seraient donc interdits, et ce serait donc la fin programmée des moteurs à explosion en Europe. C’est cela que les Allemands ne veulent pas…

La France est (très) favorable au passage à l'électrique

Et la France, quelle est sa position? Comme 22 autres pays des 27, elle est favorable à l'interdiction des voitures thermiques en 2035. Très favorable, même. D'autant que les deux constructeurs français, Renault et Stellantis, sont désormais prêts pour cette grande bascule et ne veulent plus reculer. Renault, par exemple, a investi des milliards d’euros dans ses projets électriques.

Dès 2025, la marque produira 500.000 voitures électriques par an. Si l’échéance de 2035 est repoussée, alors les clients ne seront plus pressés d’acheter ces voitures plus chères… Et Renault se retrouvera peut-être avec ces voitures sur les bras.

Et c’est vrai pour la plupart des constructeurs européens qui avaient anticipé le tout électrique. Volkswagen, dès cette année, propose tous ses modèles en électrique. Alfa Romeo cessera de vendre des moteurs à explosion dès 2027. Quatorze marques dont Volvo, Ford, Renault et Stellantis basculeront vers 2030. C’est une révolution qui est en cours, mais qui est d’un seul coup remise en cause par l’Allemagne et l’Italie.

Les constructeurs s’en inquiètent parce qu’ils ont besoin d’avoir des certitudes et des échéances. Et désormais, ils n'en ont plus. Depuis cette semaine, on est dans le brouillard pour l’avenir de la voiture en Europe.

Nicolas Poincaré