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La place de la voiture en ville va continuer à être réduite, c'est inéluctable

La place de la Concorde, à Paris, lors d'une précédente "journée sans voiture".

La place de la Concorde, à Paris, lors d'une précédente "journée sans voiture". - AFP

Paris organise ce dimanche sa troisième "journée sans voiture". Au-delà de cette journée, Paris n'a de cesse de réduire la place de la voiture, au grand dam des automobilistes, qui pestent contre la fermeture des voies sur berges et la réduction de la voirie au profit des pistes cyclables. Un mouvement inéluctable? RMC.fr a posé la question à Patricia Lejoux, spécialiste des questions de mobilités et de transport.

Patricia Lejoux est chercheuse en aménagement et urbanisme. Spécialiste des questions de mobilités et de transport, elle est chargée de recherche au Laboratoire, Aménagement, Economie, Transports (CNRS-Université de Lyon).

"On ne se dirige pas vers une disparition complète de la voiture dans les centres-villes français – cela existe malgré tout dans certaines villes européennes – car ce serait un objectif illusoire. Par contre, on est clairement dans la fin du tout-automobile. L'objectif est de réduire la place de la voiture dans les centres-villes. On fait place à d'autres types de transports: transports en communs, vélos, marche… On le voit dans la politique de piétonisation des centres-villes pour développer la marche, la généralisation des vélos en libre-service et l'extension des pistes cyclables. L'automobile se voit de plus en plus contrainte de céder de la place.

L'autre tendance, c'est de changer les usages de la voiture. Dorénavant, l'autopartage et le covoiturage sont en vogue. De plus en plus de mesures visent également à doper l'usage des véhicules électriques ou autonomes.

"Pour les jeunes, la voiture n'est qu'un moyen de transport parmi d'autres"

C'est un mouvement inéluctable. On voit d'ailleurs évoluer les comportements par rapport à l'ancien modèle qui veut qu'on soit propriétaire de sa voiture, qui a longtemps été un symbole de réussite sociale. Les jeunes générations ne sont plus attachées à ça. Pour eux, la voiture est un mode de transport parmi d'autres, auquel ils trouvent d'ailleurs plus d'inconvénients que d'avantages: ça coûte cher, et on ne l'utilise pas si souvent que ça quand on est citadin d'une grande ville. Les parisiens sont d'ailleurs très vertueux en la matière, puisqu'ils ne se déplacent que très rarement en voiture. Ils veulent de l'autopartage pour pouvoir, à l'occasion, faire une course en périphérie par exemple. Pour cette nouvelle génération, acheter un véhicule sachant qu'on ne va pas l'utiliser en permanence est irrationnel.

C'est un mouvement apolitique. Cela se fait aussi bien dans des villes de gauche que de droite, et ne dépend que de la volonté politique, qui doit être forte en la matière. A Paris, c'est Bertrand Delanoë qui a entamé ce mouvement, qui a depuis été amplifié par l'actuelle maire Anne Hidalgo. Mais à Londres, on a vu une alternance de maires sans que soit remise en cause cette politique de bannissement de la voiture dans le centre.

"Le modèle de ville conçu pour l'automobile n'est plus viable"

Pouvoirs publics et citoyens prennent conscience que le modèle de ville conçu pour l'automobile n'est plus viable en raison des problèmes de congestion d'abord, mais surtout en raison des problèmes de qualité de l'air, qui est un vrai enjeu de santé public. En la matière, l'ancien modèle n'est plus tenable et nous pousse à changer nos comportements.

C'est aussi un enjeu d'image pour les grandes villes, notamment les grandes villes européennes qui sont en compétition. Cette image de ville où l'on vit bien, où l'air est moins pollué, où on abandonne la voiture… c'est quelque chose que les villes veulent pouvoir revendiquer. Et Paris a un train de retard sur d'autres capitales européennes.

Reste que le plus gros défi des pouvoirs publics en région Île-de-France, c'est la saturation des transports collectifs. Les Franciliens de petite couronne sont plutôt vertueux et ont tendance à privilégier les transports collectifs, mais certains arrivent à saturation. Il y a ce projet du métro du Grand Paris, mais son budget explose et devient encore plus colossal."

Propos recueillis par Philippe Gril