Les transports d'animaux dans le viseur: "Des bêtes entassées sans boire dans des camions inadaptés"

- - CIWF France
Agathe Gignoux, chargée d'affaires publiques à l'ONG CIWF (Compassion in World Farming), organisation dédiée au bien-être des animaux de ferme.
"Les problèmes en matière de transports d'animaux sont multiples, avec de nombreuses infractions à la législation. Les animaux vont être entassés dans les camions, n'auront pas d'accès à l'eau ou à l'alimentation. Il y a par exemple des camions où le système d'abreuvage ne correspond pas: initialement prévu pour les cochons alors qu'on transporte des vaches. On constate également des cloisonnements qui ne sont pas adaptés ou en mauvais état, ce qui va entraîner des blessures sur les animaux transportés qui vont par exemple se coincer les pattes.
Mais le gros point noir, c'est la durée de transport. Ils sont beaucoup trop longs. A la frontière turque, les animaux passent la journée dans les campions en plein soleil. Nous considérons qu'il ne faut pas aller au-delà de 8h pour les bovins et 4h pour les volailles.
"Parfois 15 jours en mer"
Concernant les transports par mer, vous avez des bêtes qui vont rester plusieurs jours sans présence à bord d'un responsable des animaux et encore moins d'un vétérinaire. Il n'y a aucune limitation de durée ni de temps de repos. Les trajets durent en moyenne entre 5 et 10 jours, et parfois jusqu'à 15 jours. Ce sont des lieux où il y a énormément de stress hydrique et thermique, et il y a une présence forte d'ammoniac qui provoque des troubles respiratoires chez les animaux.
Il y a un vrai manque au niveau des contrôles vétérinaires. Le vétérinaire est souvent absent au moment du chargement et au final, au lieu d'un vrai contrôle du moyen de transport et de la santé des animaux, vous n'avez qu'une simple signature au bas d'un papier.
Vous avez des transporteurs français qui respectent la législation et d'autres qui vont avoir des difficultés à concilier la réglementation sur les animaux et la règlementation sociale, c’est-à-dire le temps de repos des conducteurs. Mais il y a de plus en plus d'exportateurs qui font appels à des transporteurs étrangers qui n'ont pas forcément la même formation. Après ce n'est pas parce que c'est Français que c'est mieux, très franchement.
"Il vaut mieux transporter des carcasses que des animaux vivants"
Au CIWF, nous faisons plusieurs propositions. Nous considérons qu'il faut limiter la durée des transports, d'abord. Il faut aussi réduire puis arrêter les exportations hors Union Européenne, parce qu'on n'a aucun contrôle des conditions de transports et d'abattages à l'arrivée. On demande notamment sur le transport maritime qu'il y ait au moins un 'responsable protection animal' présent. Nous demandons aussi qu'il y ait une limitation de transports de certains animaux fragiles. Aujourd'hui les femelles peuvent être transportées jusqu'à 90% de leur gestation, au moment où elles sont très fragiles. Elles ne devraient pas être transportés après le premier tiers de leur gestation.
Surtout, et c'est très important, il faut arrêter de subventionner les exportations et considérer qu'elles sont des solutions. Aujourd'hui on va élever des animaux en France, les transporter en Italie pour qu'ils finissent d'être engraissés, puis ensuite les exporter à nouveau pour être abattus en Turquie. Cela n'a pas de sens, on réduit la plus-value pour notre agriculture en France. Nous demandons un arrêt progressif des exportations en dehors de l'UE. Il vaut mieux transporter des carcasses que des animaux vivants qui sont des êtres sensibles."