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"Arrêtez de penser que la majorité des soignants font du mal aux gens": le témoignage poignant d'Ornella, aide-soignante en Ehpad

Aide-soignante en Ehpad, Ornella explique dans "Estelle Midi", ce lundi sur RMC et RMC Story, que le climat de défiance envers ces établissements liés aux révélations de maltraitance chez Orpea nuit aussi à toute une profession qui fait du mieux qu'elle peut. Et que la vidéo-surveillance ne résoudra rien.

Les scandales concernant des maisons de retraite se sont multipliés ces dernières semaines. Orpea, puis Korian, groupes privés d'Ehpad, sont visés par des accusations de maltraitance des résidents.

Après la parution du livre de Victor Castanet "Les Fossoyeurs" évoquant ces manquements, une solution avancée pour remédier à la méfiance qui s'est installée dans ce type d'établissements est la vidéosurveillance des chambres.

Ancien directeur d'Ehpad, Jean Arcelin estime que ce serait une bonne idée. Invité d'Estelle Midi sur RMC, il trouve que si l'usage en est limité aux familles et aux soignants, il ne voit pas le problème.

"C'est une des solutions. Il faut vivre les choses de l'intérieur pour comprendre. Il ne s'agit pas de diffuser les images sur les chaînes de télé. La vidéo, ce serait à la demande de la famille, donc il n'y aurait que la famille et l'infirmière en chef (qui y auraient accès)."

"On va se sentir fliqués"

Aide-soignante en Ehpad, Ornella n'est pas d'accord avec ce constat et estime que la vidéosurveillance brisera la confiance avec les familles.

"Le climat de confiance avec les familles, il n'y en aura plus", argue-t-elle. "Il se passe beaucoup de choses en ce moment mais beaucoup de familles nous font confiance. D'avoir des caméras, comme ça, on va se sentir fliqués. Clairement."

L'ancien directeur d'Ehpad estime de son côté que rien n'est vraiment privé dans ce genre d'établissements.

"Il n'y a pas quasiment pas d'intimité dans les Ehpad, rétorque Jean Arcelin, ancien directeur. Les soignants sont pressés, rentrent dans les chambres comme dans des saloons et il y a zéro intimité. Donc c'est un faux problème. Je sais et je comprends que ça puisse offusquer, une caméra. Mais ce n'est pas plus violent que la maltraitance que les résidents peuvent subir. La vidéo a beaucoup d'avantages, dont celui de la transparence."

"On est obligés de faire parfois des choses qui ne seraient pas comprises par les familles"

Une transparence totale qui a ses limites selon Ornella, aide-soignante, qui donne des exemples d'actions que l'on pourrait interpréter comme de la maltraitance si l'on ne connaissait pas le contexte. 

"Il y a des choses que l'on fait en tant que soignants que les familles peuvent percevoir comme de la maltraitance alors que ce n'est pas le cas. Un résident qui est couché de bonne heure parce qu'il est fatigué, on va nous dire quoi? Qu'on se débarrasse de lui parce qu'on le couche plus tôt? Alors que c'est plus pour son intérêt. Un résident qui ne va pas vouloir manger car il n'a pas faim, on va nous dire quoi? Qu'on ne veut pas le nourrir?"
"Il risque d'y avoir de l'incompréhension sur des choses qu'on fait en tant que professionnels sans but de faire de mal aux résidents. Il y a des personnes alitées très difficiles à accompagner pour la toilette. Quand il n'y a pas de médicaments pour les aider à se détendre, on est obligés parfois d'être un peu plus... Pas brusques mais plus durs, énergiques. Laver sous les bras de quelqu'un qui ne peut plus lever les bras... On fait quoi? On ne lave pas? Et après il y aura des rougeurs, des mycoses..."
"On est obligés de faire parfois des choses qui ne seraient pas comprises par les familles. On ne le fait pas dans le but de faire mal aux gens, il faut arrêter de penser que nous, les soignants, on veut causer du tort, ou que la majorité des soignants feraient du mal aux gens. On n'est pas là pour ça." 

>>> PODCAST RMC - Maisons de retraite : faut-il mettre des caméras dans les chambres? Retrouvez ici le podcast du débat complet d'Estelle Midi

J.A.