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Saisir Paris Match pour avoir publié des photos d'un attentat qui a eu lieu en France serait scandaleux

Le directeur de la rédaction de Paris Match, Olivier Royant, a réagi ce jeudi dans les Grandes Gueules à la demande du parquet de Paris de retirer en urgence de la vente le dernier numéro du magazine, qui comporte des photos de l’attentat de Nice qui font polémique.

Les images de l’attentat du 14 juillet 2016, issues des caméras de vidéosurveillance, publiées ce jeudi par Paris Match ont déclenché une forte polémique et une vague d'indignations. Le parquet de Paris a demandé, ce jeudi matin, le retrait en urgence du magazine. Olivier Royant, son directeur de la rédaction, a réagi dans les Grandes Gueules.

Il a d’abord jugé la demande du parquet injuste et complètement déplacée. "Une demande de référée aura lieu à 14h. On la juge absolument sans fondement au regard de l’enquête qu’on vient de publier dans le journal. Il faut bien savoir qu’on suit le terrorisme depuis 30 ans. La question de la couverture des victimes du terrorisme est fondamentale chez nous, c’est quelque chose de très grave et on sait que ça touche beaucoup de gens."

Le directeur de la rédaction de Paris Match en a profité pour lancer une vive critique aux restrictions faites à la presse française depuis plusieurs années. "Je crains la décision de justice. On est 37ème au classement mondial de la liberté de la presse et tout le monde s’en fout. On est en train de voir les libertés se restreindre avec une juridiction de beaucoup de choses. L’idée même qu’un journal puisse être saisi pour avoir parlé d’un attentat qui s’est produit en France est un authentique scandale qui va dans la continuité des restrictions de la presse qu’on connait depuis une vingtaine d’années", a-t-il conclu.

"La France a du mal à se regarder en face"

Il explique la démarche de la publication de ces images et ne comprend pas les critiques qu’il reçoit. "Dans cette démarche, on a fait exactement ce qu’on a fait un an après le 11 septembre. Le 11 septembre, ce sont deux avions qui s’écrasent sur des tours, le 14 juillet 2016 c’est un camion qui fonce dans la foule. On ne peut pas supprimer les avions, on ne peut pas supprimer le camion. Il y a un an, ma fille de 15 ans venait de voir sur Internet une vidéo épouvantable du camion qui fonçait dans la foule avec des corps déchiquetés. Des millions de gens ont vu ça. Les photos que nous publions sont des captures vidéos. Ce sont des plans larges, sans identification possible des victimes ni d’atteinte à leur dignité. La France a du mal à se regarder en face, c’est un problème d’infantilisation du public."

"Les commémorations sont terribles car cela ramène dans la tête des gens tout ce qui s’est passé, c’est abominable, la plaie ne se referme jamais. En revanche, quand les gens vivent une grande souffrance, et c’est le cas du terrorisme, ils ont l’impression que l’histoire leur appartient, et malheureusement elle ne leur appartient pas. Cette histoire a une portée universelle et le terrorisme de Nice appartient à toute la France.", a-t-il poursuivi.

"Ces photos sont absurdes. Il est important de montrer l'absurdité du terrorisme"

Olivier Royant, qui publie également les photos des repérages effectués par le terrorisme pendant 14 mois, explique le problème qu’il soulève auprès des politiques. "Ces photos sont absurdes, elles montrent un camion qui fonce dans une foule et l’absurdité du terrorisme et je pense qu’il est important de montrer cette absurdité. Mais ce qui pose problème, c’est qu’on se rend compte que pendant 14 mois le terroriste a tranquillement photographié les lieux pour planifier son crime. Cela dérange les autorités"

Et pour Olivier Royant, la publication a bien plus de vertus pédagogiques que commerciales. "La guerre et le terrorisme ne sont pas des sujets qui font vendre. On ne peut pas considérer que les commémorations sont simplement des bouquets de fleurs et des politiques au garde à vous. La vertu pédagogique passe par l’absurdité du terrorisme, pas par l’infantilisation du public."

"La situation à Nice est encore extrêmement tendue, on a peut-être sous-estimé ça. Un an après le 13 novembre 2015, on avait l’impression que la réflexion prenait le dessus tandis qu’à Nice la plaie reste extrêmement ouverte, d’où les réactions très fortes."

Les GG (avec T. Masson)