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"C'est le sport national de faire traîner": dans l'immobilier neuf, les malfaçons se multiplient

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Les malfaçons se multiplient dans l'immobilier neuf. Les propriétaires sont excédés alors que les promoteurs semblent tout faire pour laisser traîner, au moins au-delà de la garantie de parfait achèvement qui couvre les désagréments la première année.

A même pas 30 ans, Alexandre, comptable, s'est offert un deux pièces flambant neuf à Compiègne dans l’Oise. Résidence L’Agapè. "Flambant" uniquement sur le papier car, depuis la livraison de son immeuble il y a un an, Alexandre et ses voisins vont de découverte en découverte. Les malfaçons sont nombreuses et touchent autant les logements que les parties communes.

"On a un balcon fissuré sur l'extérieur. Il y a des entrées d'air au niveau des fenêtres, il manque des portes de box. ll y en a tellement qu'on s'y perd et d'autres qui vont apparaître comme le portail extérieur qui tombe en panne, c'est lamentable", déplore-t-il au micro de RMC.

La liste est loin d’être exhaustive: les portes palières coupées trop courtes, les infiltrations d’eau et même le DPE qui n’est pas conforme. On leur avait promis un diagnostic de performance énergétique B. Sauf que certains logements sont en réalité classés C.

"On achète du neuf pour être tranquille et on doit faire des travaux à sa charge"

Il y a pourtant des garanties quand on achète dans le neuf. La garantie de parfait achèvement couvre toutes les malfaçons découvertes la première année. Sauf que, dans le cas d’Alexandre et de ses voisins, cette garantie touche à sa fin. L’immeuble a été livré il y a un an. Le promoteur, Sigla Neuf, fait traîner et notre auditeur se retrouve coincé.

"J'ai 28 ans, c'est mon premier achat, je suis endetté pour 25 ans. J'ai acheté avec un prêt à taux zéro donc je ne peux pas louer pendant cinq, six ans. On achète du neuf pour être tranquille et on doit faire des travaux à sa charge", déplore Alexandre.

Une pratique courante selon Daniel Vennetier, fondateur de l'association d'aide aux maîtres d'ouvrage individuels. "Très souvent, pour des histoires de chauffage, de fissure, le plan est de repousser à plus tard en disant qu'il faut laisser observer l'évolution de la maison. C'est le sport national de faire traîner pour laisser passer la première année", assure-t-il.

Après la première année et donc la fin de la garantie de parfait achèvement, il y a deux garanties qui prennent le relais: la garantie biennale et la décennale. Mais elles couvrent moins de malfaçons.

Dans le cas de la résidence L’Agapè, l’avocate du syndic a donc assigné Sigla Neuf, le promoteur, pour tous les problèmes dans les parties communes. Cela va permettre de mettre en pause les garanties, mais tout cela est à la charge des copropriétaires.

Le promoteur se décharge

Sigla Neuf se défausse sur ses entreprises partenaires. Il explique que ses prestataires font face à des délais rallongés: le Covid, la guerre en Ukraine, les difficultés d'approvisionnement...

Le maître d’ouvrage se dit "tributaire" de ses prestataires mais assure dépêcher les entreprises dès que nécessaire. Il promet par ailleurs que toutes les malfaçons identifiées pendant la période de la garantie de parfait achèvement seront réparées, même après la fin de cette garantie.

Mais à la question 'pourquoi autant de malfaçons?', nous n’avons pas pu obtenir de réponse. Ce qui est sûr, c’est que c’est un problème qui touche beaucoup de constructions neuves. En 2020, les assureurs ont versé 847 millions d'euros en assurance dommage-ouvrage. C’est presque deux fois plus qu’en 2008.

Amélie Rosique, Elise Denjean, Joanna Chabas