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Faut-il conditionner les aides publiques aux entreprises à des hausses de salaires?

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Dans la lignée de la CGT, le secrétaire général de la CFDT Laurent Berger demande ce lundi, sur RMC et BFMTV, à conditionner les aides publiques aux entreprises contre des hausses de salaires.

Faut-il conditionner les aides publiques aux entreprises à des "objectifs sociaux", comme la hausse des salaires? C'est en tout cas ce que demandent la CGT et la CFDT. Les syndicats pointent du doigt les entreprises qui reçoivent plus de "200 milliards d'euros chaque année sans conditions sociales ni environnementales".

"Ce n'est pas possible que des entreprises bénéficient des aides et fassent démarrer les travailleurs au Smic et cela pendant dix ans", déplore ce lundi sur RMC et BFMTV Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT. "Dans la fonction publique territoriale, les agents de catégorie C ont besoin de 12 ans avant de dépasser le Smic. Il y a une absence de reconnaissance. Ils gravissent les échelons mais ils ne sont pas reconnus de façon salariale", ajoute le syndicaliste.

"Il faut que les branches professionnelles soient contraintes de négocier des minimas qui démarrent au niveau du Smic et pas en deçà. Aujourd'hui, plusieurs centaines de milliards sont versées aux entreprises pour les aider parfois à développer de l'emploi ou s'investir dans la transition écologique. Il faut le conditionner en s'assurant que cela aille bien à l'objectif" de hausse des salaires, poursuit Laurent Berger.

Pour cela, il appelle à la mise en place d'une commission bas salaires, à l'instar de la commission Smic.

Laurent Berger "peut-être contaminé par l'intersyndicale"

"Il y a environ 2.000 aides pour les entreprises, tout cela me paraît saugrenu, il faut que Laurent Berger précise", avance de son côté Thibault Lanxade, entrepreneur et ancien vice-président du Medef. "Conditionner les aides à une augmentation de salaires, cela n'a pas de sens. Quand vous aidez un entrepreneur à créer son entreprise et lui donnez des aides, vous n'allez pas lui demander d'augmenter ses salaires", pointe-t-il, déplorant "une fiscalité trop importante", et estimant que Laurent Berger est peut-être "contaminé par l'intersyndicale".

Thibault Lanxade appelle plutôt à augmenter tous les salaires quand le Smic augmente. "Quand le Smic augmente, il y a un risque de tassement de la masse salariale. Il faut faire en sorte que quand le Smic augmente, il y ait une forme de proportionnalité sur la grille des salaires et ça prend du temps", assure l'ancien vice-président du Medef.

"L'Etat et les régions ne donnent pas des aides comme ça"

"C'est une demande éloignée de la situation que vivent les entreprises aujourd'hui", tacle de son côté Bernard Cohen-Haddad, le président de la CPME Île-de-France, la Confédération des petites et moyennes entreprises. "Il n'y a pas d'aides qui ne soient pas conditionnées à des contreparties et des contrôles. L'Etat et les régions ne donnent pas des aides comme ça, ce n'est pas l'île aux enfants de Casimir. Les règles sont respectées, ne jetons pas l'anathème aux entreprises soumises à des contraintes qui ont besoin de moins de contreparties et plus de soutien", ajoute-t-il.

"Ce serait utile de demander aux entreprises de justifier leur politique et leurs hausses de prix éventuelles et leur politique salariale si elles n'augmentent pas assez les salaires", note a contrario l'économiste Henri Sterdyniak. "Il y a toute une utilisation des aides qui est fâcheuse, les entreprises les utilisent pour augmenter leurs profits et pas forcément dans le sens dont la société le souhaiterait".

Air France et Sanofi pointés du doigt

Avant Laurent Berger, c'est Sophie Binet, la secrétaire générale de la CGT, qui a demandé à Elisabeth Borne de conditionner ces aides à des objectifs sociaux. "Il n'est pas possible d'avoir des aides publiques quand on licencie, qu'on ne respecte pas l'égalité professionnelle, quand on augmente les dividendes et les salaires des PDG, et que ceux des salariés stagnent", a-t-elle assuré à la Première ministre.

Dans le viseur de la CGT, Air France-KLM et son directeur général Benjamin Smith qui vient d'annoncer le triplement de son salaire alors que la compagnie aérienne a touché des milliards d'euros de prêts garantis par l'Etat et a été un des premiers bénéficiaires des aides pendant la pandémie de Covid-19. Autre entreprise pointée du doigt, le laboratoire Sanofi qui a bénéficié de près d'un milliard d'euros de crédit d'impôt-recherche après avoir divisé le nombre de chercheurs par deux.

Guillaume Dussourt