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Les fraudes au DPE des logements explosent: "Il y a beaucoup de tricheries"

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Les fraudes au diagnostic énergétique immobilier explosent. De nombreux logements bénéficient de classements de complaisance pour être disponibles à la location ou vendus plus chers. En cause, des diagnostiqueurs peu scrupuleux mais aussi un outil de classement, le fameux DPE, peu précis, avec un encadrement insuffisant.

La fraude au DPE, le diagnostic de performance énergétique des logements, a le vent en poupe. Pour pouvoir louer leur logement, certains propriétaires bénéficient de "DPE de complaisance". Les diagnostics sont légèrement surévalués pour améliorer la classe énergétique d'un appartement ou d'une maison et le mettre sur le marché de la location.

Selon une récente étude de KRNO, spécialiste de la fiabilisation des DPE, près de 19% des logements classés F, la seconde plus mauvaise note, sont surclassés en E. De la même manière, 6% des G passent en F, suffisant pour être loués, et 6% des E passent en D.

En tout, ce sont près de 1,3 million de logements qui seraient concernés. Le préjudice économique de cette surévaluation est estimé à 21,4 milliards d’euros, avec un impact pour les acheteurs comme les investisseurs, car un bien mieux isolé est un bien qui se vend plus cher.

Le DPE, diagnostic de performance énergétique, est une note de G (le plus bas) à A (le plus haut), qui renseigne sur la performance énergétique d'un appartement ou d'une maison, évaluant sa consommation d’énergie. Il permet d'estimer les charges énergétiques notamment. Les logements classés G sont interdits à la location. Une interdiction qui doit concerner les logements classés F à partir du 1er janvier 2028.

Le DPE doit être établi par un diagnostiqueur, un professionnel indépendant bénéficiant d'une certification et ayant souscrit une assurance professionnelle.

"Les fraudes, c'est une minorité qui grandit"

Car tricher sur le DPE, c'est facile, explique à RMC Stéphane, qui raconte que pour sa première maison, le diagnostiqueur n'a pas été très regardant: "Je lui ai dit que j'avais des isolants sous comble, le diagnostiqueur n'est jamais allé voir. Il est resté une heure chez moi et la maison était en C alors que je pense qu'elle était en E, c'est sûr".

En plus du DPE, ces diagnostiqueurs peu scrupuleux peuvent se charger du diagnostic d'électricité. Florian en a fait les frais. Il y a cinq ans, il achète un appartement. Et sur le rapport, "tout était au vert, il n'y avait aucun souci". Mais plus tard, il découvre l'état du tableau électrique: "J'avais des fusibles noirs qui commençaient à brûler".

Des fraudes dangereuses contre lesquelles il n'y a aucun rempart, déplore Hassad Mouheb, président de la Fédération de l'efficacité énergétique du bâti, qui regroupe quelques milliers de diagnostiqueurs: "Ça me révolte parce que de nombreux diagnostiqueurs ont arrêté de travailler à cause de ça. La majorité de notre profession travaille bien. Les fraudes, c'est une minorité qui malheureusement grandit". D'après lui, les signalements des fraudes sont passés de deux fois par mois à deux fois par semaine.

"On ne sait pas sur quoi se fondent certains diagnostics"

"Il faut remettre de l'ordre", appelle Daniel Labaronne, député Ensemble pour la République d'Indre-et-Loire, dans Apolline Matin. "Nous n'avons pas de méthodologie très précise pour faire ces diagnostics", note dans un premier temps l'élu. Résultat, certains diagnostics se font un peu au doigt mouillé, notamment dans les logements anciens.

"Il y a beaucoup de tricheries: manque d'identification professionnelle, on ne sait pas toujours à qui on a affaire, manque d'indépendance par rapport à certaines agences immobilières ou à des entreprises de rénovation énergétique et puis manque de traçabilité des diagnostics effectués", énumère le député.
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"On a les moyens techniques, juridiques et numériques de mettre en place un dispositif pour identifier le diagnostiqueur", insiste Daniel Labaronne, alors qu'une liste existe déjà mais n'est pas à jour. "Et on ne sait pas toujours sur quoi se fondent certains pour effectuer leur diagnostic".

Pour autant, pas question de supprimer ces diagnostics, "nécessaires pour avoir une idée précise des passoires thermiques", défend Daniel Labaronne. "S'il devait ne rester qu'un diagnostic, c'est celui-ci" martèle-t-il.

En cas de doute sur un diagnostic, le député Daniel Labaronne conseille de faire un double audit de son logement, en en appelant un autre. Il recommande aussi de se tourner vers des professionnels transparents avec des dispositifs de certification numérique, comme c'est le cas en Allemagne. L'élu doit défendre ses propositions cette semaine, après avoir déposé un amendement à l'Assemblée nationale.

Amélie Courtet avec Guillaume Dussourt