"Elle n’en pouvait plus": un homme jugé en appel à Besançon pour avoir poussé son ex-compagne au suicide

“On est stressés pour ce procès”: la voix de Dimitri est rapide. Il redoute de se retrouver une nouvelle fois face à l’ex-compagnon de sa sœur, qui doit être jugé ce jeudi devant la Cour d’Appel de Besançon. Un nouveau procès, rare, 8 mois après le suicide d’Agnès G., harcelée depuis quatre ans par son ex-compagnon selon sa famille.
“Elle n’en pouvait plus, la seule issue, c'était le suicide”, explique son petit frère Dimitri, à RMC.
"Il l’avait isolée, alors qu’elle avait tous ses proches autour"
Au mois de juillet 2024, ce sont ses nièces, les trois filles d’Agnès G., qui s’occupent de vider le logement de leur maman, quelques jours après sa mort. Elles trouvent alors un journal intime, où pendant quatre ans, la victime a répertorié les messages d’humiliation, de menaces, les insultes et les coups subis pendant son calvaire. Le carnet a été remis aux enquêteurs et tous les éléments pointent vers son ex-compagnon, un électricien de 44 ans.
“Agnès expliquait dans ce carnet ce qu’il se passait lors de la relation, elle y disait qu’elle ne comprenait pas pourquoi il insistait autant, pourquoi il était aussi hargneux, aussi arrogant et harcelant, explique son frère cadet, elle raconte aussi le pourquoi du comment elle allait mettre fin à ses jours.”
Dans les pages de ce carnet, Agnès relate une relation qui n’aura duré qu’entre 3 et 6 mois, avec cet homme rencontré à la machine à café - qui se présente alors comme infirmier - lors d’un séjour en hôpital psychiatrique après un burn-out. Après avoir rompu, le harcèlement durera quatre ans.
“C’est inimaginable la souffrance. J’aurais préféré me mettre une balle dans la tête plutôt que de subir ça, raconte Dimitri. C’était un supplice pour elle, tous les jours, une souffrance immense. C’était à petits feux. Comme une bougie qui s’éteint en silence.”
Pendant ces quatre années, Agnès change trois fois de téléphone. L’électricien passe à son domicile très tard le soir, sans prévenir, pour la déranger. Selon la famille d’Agnès, il rôde et va même jusqu’à se faire passer pour un amateur de boxe auprès de l’entraîneur de son frère.
“Il s’est fait passer pour un gars qui voulait apprendre à boxer. Je pensais qu’il voulait s’inscrire au club donc je l’ai rappelé. Cinq minutes plus tard, au téléphone, il m’a expliqué que ça se passait mal avec ma sœur, c’est elle qui dérape, qui est folle. Je me suis énervé, je lui ai dit que je ne voulais rien savoir. Je lui ai demandé de la laisser tranquille, il a raccroché”, relate Dimitri.
Mais l'homme ne s'arrête pas là, et va même jusqu’à menacer Agnès de déterrer sa mère et son frère et de lui ramener les os, si quelqu’un de l’entourage de la cinquantenaire venait à le menacer.
"Il a fait un travail de sape, de destruction au millimètre"
Les proches d’Agnès se sentent impuissants, désemparés. Dimitri habite à 200 mètres de chez sa sœur. Pourtant, elle ne l’a jamais appelé pour de l’aide quand son compagnon lui rendait visite. “Elle m’a déconseillée d’agir, explique-t-il, parce qu’elle était tellement sous emprise, elle avait tellement peur pour ses enfants et ses petits-enfants qu’elle a préféré se barricader dans son malheur.”
L’homme est omniprésent dans l’esprit d’Agnès, à tel point que sa famille ne la reconnait plus. “Il a fait un travail de sape, de destruction au millimètre. Chaque jour, il l’appelait. Quand j’ai vu ma sœur la dernière fois, elle transpirait l'angoisse. Son regard était vide. Et comme il avait filmé à son insu une scène amoureuse, elle était persuadée qu’il y avait des caméras chez elle et n’osait plus rien dire. Et une semaine après…”
C’est lors du procès, en novembre 2024, que la famille découvre que l’homme est un récidiviste. Il a déjà été condamné 15 fois, dont trois notamment pour appels téléphoniques malveillants réitérés. Et il a déjà fait l’objet d’une condamnation pour des violences sur une ancienne compagne.
Le prévenu a toujours nié une quelconque responsabilité dans la mort d'Agnès G. Pourtant, en première instance, le tribunal correctionnel de Belfort l'avait condamné à 9 ans de prison et 7 ans de suivi judiciaire, ainsi qu’à verser 100.000 euros d’indemnités aux parties civiles. Dimitri et les trois filles de la victime espèrent que la peine qui sera prononcée en appel sera au moins aussi lourde que celle de novembre dernier.
“On a peur qu’après sa libération, il vienne encore nous embêter et qu’il continue avec d’autres. On songe même à déménager pour se sentir en sécurité”, conclut Dimitri. Le conseil du prévenu n’était pas joignable à la veille de l’audience.