"Ils ont du temps à perdre": la majorité fait débat en voulant imposer le drapeau de l'UE sur les mairies

La majorité veut généraliser l'affichage du drapeau européen sur les frontons des mairies. C'est la proposition du groupe Renaissance qui doit être examinée ce mercredi en commission de lois à l'Assemblée nationale: l'histoire du drapeau tricolore "est indissociable, depuis le début de sa construction, de l’Union européenne et de ses promesses de paix, de prospérité et de fraternité à l’échelle du continent", assure le texte de la proposition de loi.
"La politique c'est aussi des symboles", défend ce mercredi Mathieu Lefevre, député Renaissance du Val-de-Marne et rapporteur du texte. Et des symboles, il y en a: "Il y a le contexte du Brexit, de la guerre en Ukraine. Ce drapeau, ce n'est pas uniquement le drapeau de l'Union européenne, c'est aussi celui du Conseil de l'Europe et ses valeurs de pluralisme, de droits de l'homme et de démocratie et il s'agit de réaffirmer notre attachement à ces valeurs", ajoute l'élu.
"Il ne s'agit pas de substituer une identité à une autre"
Voilà pour l'aspect symbolique. Sur le volet politique, Mathieu Lefevre écarte toute volonté de lancer le coup d'envoi des élections européennes qui doivent avoir lieu en 2024. Pourtant le sujet est éminemment politique, alors qu'il cristallise les tensions à l'extrême-droite comme à l'extrême gauche. En décembre 2021, Marine Le Pen s'était émue de la présence du drapeau européen sous l'arc de Triomphe à l'occasion de la présidence françaises de l'Union européenne, évoquant une "provocation" d'Emmanuel Macron. En 2017, Jean-Luc Mélenchon, avait fustigé la présence du drapeau européen à l'Assemblée nationale.
"Ceux qui sont mal à l'aise avec le drapeau européen, sont aussi mal à l'aise avec leur envie de sortir de l'Union européenne", estime Mathieu Lefevre. Il en veut pour preuve le changement de cap de Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen, auparavant pour une sortie pure et dure de l'UE, désormais favorables à une "sortie déguisée" de l'Union.
Et l'élu l'assure, "il ne s'agit pas de substituer une identité à une autre". "Dans la proposition de loi, on veut rendre obligatoire le drapeau français" qui continuera "de garder la place d'honneur sur le fronton des mairies", promet Mathieu Lefevre.
"L'obligation, non"
À Beaucaire dans le Gard, les avis sont partagés: "Je vois ça plutôt positivement, on est aussi Européens et Français donc ça ne me dérange pas que ce soit obligatoire de l'afficher", assure à RMC Clémentine, 26 ans. Même chose pour Bernard, 75 ans, toutefois plus mitigé sur l’aspect obligatoire de la mesure: "La présence du drapeau européen je suis d'accord par contre l'obligation non, il faut que ce soit laissé à l'appréciation des maires", estime-t-il.
Une proposition de loi des députés de la majorité que dénonce en revanche Ludovic: "Ils ont du temps à perdre, ils pourraient faire des choses plus intéressantes. Il y a des réformes qui soulèvent la France et ils veulent nous mettre un drapeau que personne ne verra", juge-t-il. Mathieu Lefevre reconnaît effectivement que ce texte "ne répond pas aux défis politiques et sociaux du moment".
Mais d'autres craignent une perte de souveraineté: "J'ai peur qu'on perdre notre pouvoir décisionnel", s'inquiète Léa depuis Beaucaire. "Je trouve que c'est bien de vouloir garder uniquement le drapeau français", ajoute-t-elle. Un avis que partage Julien Sanchez, le maire de Beaucaire, vice-président du Rassemblement national: "Aujourd'hui, un maire qui veut mettre un drapeau européen sur sa mairie, il le peut, celui qui ne le veut pas, il peut ne pas le mettre. Pourquoi va-t-on encore faire une loi pour changer quelque chose qui ne posait pas de problèmes?", déplore-t-il. L'élu ajoute cependant qu’il appliquera la loi si elle est votée par les députés.
De son côté, Jean-Philippe Tanguy, le président délégué du groupe RN à l'Assemblée nationale, estime que le drapeau européen "ne renvoie à aucune histoire": "Il y a une grande indifférence car il ne renvoie à aucune histoire, à aucun symbole. Moi je suis élu du peuple français, je ne suis pas élu de la commission européenne", défend-il ce mercredi sur RMC et BFMTV.
Multitudes de drapeaux
"J'aimerais aussi qu'on puisse avoir le drapeau de nos régions", défend de son côté Maxime. "Je suis Haut-Savoyard, on est très attachés à la Savoie. Je pense aussi aux Bretons très attachés à la Bretagne. Il faudrait le drapeau européen, le drapeau français et aussi le drapeau de la région et de la ville", défend-il, déplorant un problème culturel et le manque d'attachement aux symboles.
De son côté, La France insoumise ironise et veut aller plus loin. Si la proposition de loi était rejetée, LFI voudrait rendre obligatoire la présence des drapeaux de l'ONU, de l'Unesco, de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED), de l'Organisation pour la sécurité et la coopération (OSCE) et de l’Organisation internationale du travail (OIT).