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Le Sénat va-t-il rejeter le CETA? L'opposition espère un "coup de tonnerre politique"

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Les sénateurs se prononcent ce jeudi sur la ratification du CETA, traité de libre-échange avec le Canada fortement décrié. Un rejet entraînerait sa suspension en France mais également dans toute la zone UE. Karine Jacquemart, directrice générale de l'association FoodWatch France, dénonce de son côté sur RMC un accord commercial nuisible à l'environnement.

Signé en 2016, adopté en 2017 à l'échelle européenne, le CETA a été validé de justesse à l'Assemblée nationale en 2019. Mais le gouvernement n'a jamais saisi le Sénat, une étape pourtant nécessaire dans le processus. Les sénateurs débattent depuis 10h30 ce jeudi matin, afin de permettre, ou non, son entrée en vigueur complète. Même si en réalité, l'accord est déjà appliqué à 95%.

Par peur d'essuyer un revers, voilà des années que le gouvernement traîne des pieds pour inscrire à l'ordre du jour du Sénat le vote sur le CETA. Finalement, ce sont les élus communistes qui viennent d'en prendre l'initiative, persuadés de pouvoir le rejeter grace aux voix de toute la gauche et d'une partie de la droite, promettant ainsi un coup de tonnerre politique.

Suspension en France... et dans l'UE

En effet, si l'opposition au CETA l'emporte, le gouvernement est censé le dire à la Commission européenne. La conséquence serait radicale puisque l'application de l'accord serait suspendue en France mais aussi dans toute l'UE. En cas de rejet, cela "va résonner outre-Atlantique, un débat va s'ouvrir sur la nécessite ou pas de ces traités de libre-échange et dans quelles conditions", assure au micro de RMC Fabien Gay, sénateur PCF de Seine-Saint-Denis à l'origine du débat.

Le CETA, qui supprime notamment les droits de douane sur 98% des produits échangés entre l'Union européenne et le Canada, est fortement critiqué, notamment par les éleveurs français qui épinglent des importations de viande à des coûts de revient bien inférieurs aux leurs et avec des méthodes moins strictes que celles auxquelles ils sont soumis.

Le parti-pris : Ceta, vers un rejet au Sénat ? - 21/03
Le parti-pris : Ceta, vers un rejet au Sénat ? - 21/03
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La France pourrait ne pas notifier la décision à Bruxelles

La majorité s'insurge donc déjà contre ceux qui voteront contre et dénonce une "instrumentalisation" en pleine campagne des européennes. La porte-parole du gouvernement Prisca Thevenot a dénoncé un "coup de com", arguant que le CETA a permis d'augmenter entre autres les exportations vers le Canada et aussi, selon elle, de "protéger les agriculteurs", avec l'instauration des "clauses miroirs".

L'exécutif pourrait aussi ne pas respecter la procédure, c'est-à-dire faire comme Chypre en 2020 et ignorer tout simplement le vote du Sénat et ne rien dire à Bruxelles. Une manière ainsi de maintenir l'application provisoire du CETA. "Le gouvernement devra respecter le choix du Parlement", prévient Fabien Gay. "Ce serait une nouvelle fois un déni démocratique insupportable".

"Hold-up anti-démocratique", dénonce la directrice de FoodWatch

Karine Jacquemart, directrice générale de l'association FoodWatch France, a dénoncé de son côté sur RMC dans Apolline Matin, à propos du CETA, "un hold-up anti-démocratique qui veut cacher les vrais risques". "L'accord cherche à réduire tous les freins au commerce, comme les normes environnementales", a-t-elle alerté. "Le Canada menace et attaque l'Europe sur l'environnement depuis un moment, et il gagne à chaque fois".

La directrice de FoodWatch ne souhaite pas l'arrêt du libre-échange avec le Canada mais regrette qu'on "gonfle les avantages et qu'on masque les risques", rappellant que le pays utilise notamment "40 pesticides interdits dans la zone UE".

Karine Jacquemart espère ainsi le rejet du traité par les sénateurs, permettant selon elle la réouverture d'un "vrai débat démocratique".

Cyprien Pezeril avec Léo Manson