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Mayotte: pourquoi la position de Bruno Retailleau sur l'immigration n'est pas nouvelle

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Le ministre démissionnaire de l'Intérieur a évoqué la question migratoire à Mayotte, provoquant colère et indignation alors que l'archipel essuie les plaies du cyclone Chido. Si la temporalité interroge, le débat, lui, n'est pas nouveau.

Le ministre de l'Intérieur démissionnaire Bruno Retailleau a remis sur le devant de la scène la question migratoire à Mayotte, après le passage du cyclone Chido, provoquant indignations et interrogations.

Bruno Retailleau a notamment utilisé le mot "guerre" tandis que le député Charles de Courson (Liot) a osé évoquer une "invasion de migrants". Pour rappel, la situation de Mayotte, c'est 320.000 habitants dont la moitié sont étrangers (95% d'entre eux sont Comoriens), auxquels il faut ajouter 100.000 personnes en situation irrégulière.

Immigration comorienne

Mayotte se trouve à moins de 70 km du territoire des Comores. Si la question est brûlante, elle n’est pas neuve. L'archipel, qui est devenu un département français en 2009, a choisi la France par deux référendums en 1974 et 1976. Sauf que cette souveraineté française n’est pas reconnue par les Comores, qui revendiquent l’archipel.

Il faudra être "beaucoup plus dur vis-à-vis des Comores", indiquait ce mercredi le ministre démissionnaire l’Intérieur, accusant au passage le gouvernement comorien de "laisser partir" les migrants. Bruno Retailleau veut désormais "changer les règles", avec une charge contre le droit du sol.

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Droit du sol déjà restreint

Sauf que le ministre se trompe. Depuis la loi asile et immigration de 2018, le droit du sol est déjà restreint à Mayotte. Il faut prouver qu'au moins un de ses deux parents est en situation régulière depuis plus de trois mois lors de la naissance de l'enfant.

Il y a 10 mois seulement, Gérald Darmanin avait déjà annoncé la suppression du droit du sol à Mayotte. Promesse déjà formulée il y a 19 ans par François Baroin. Sur la question mahoraise, Gérald Darmanin tenait déjà un discours de fermeté et avait mis en place les opérations "Wuambushu" depuis 2023 pour déloger les migrants en situation irrégulière.

Indignation à gauche

Mercredi matin, Bruno Retailleau estimait qu'il fallait "envisager des nouveaux moyens de lutte" avec des "outils modernes, des drones" afin d'empêcher les arrivées. Au mois de février, l'ancien ministre de l'Intérieur proposait également un "rideau de fer maritime" avec des navires rapides et une surveillance aérienne.

Et lui-même reprenait un plan existant depuis 2018 qui promettait des bateaux de police autour de Mayotte 24h/24. Là encore, rien de nouveau. D’un point de vue politique, Bruno Retailleau a suscité une levée de bouclier à gauche. "Indigne", "inhumain", "xénophobie", a-t-on lu sur le réseau social X.

"Bombe à retardement"

L’hiver dernier, des manifestations, blocages et des affrontements avec les forces de l’ordre avaient paralysé Mayotte. Un rapport parlementaire de mai 2023, écrit par un député Horizons et une députée Liot de Mayotte, comparait la situation à Mayotte aux îles de Samos et de Lampedusa en Méditerrannée.

Les deux élus dénonçaient une "bombe à retardement" et suggéraient de "répartir une partie du poids démographique de l’immigration comorienne dans le reste du territoire français", "en particulier dans l’Hexagone". Solution moins radicale, moins polémique de prime abord, mais pas forcément plus populaire aujourd’hui.

Matthieu Belliard