"Si le Front national vient au pouvoir, je ne serai plus magistrat", assure le juge Serge Portelli
Serge Portelli, juge et président de Chambre à la cour d’appel de Versailles, est le premier magistrat français à déclarer publiquement qu'il ne servirait pas un Etat Front national si Marine Le Pen venait à être élue.
"Cela me paraît une évidence: si le FN arrive au pouvoir, je ne vois pas comment je pourrais servir un Etat Front national. Rester magistrat dans ces conditions-là me paraît impossible. En effet, je suis entré dans la magistrature en raison d'un attachement viscéral et fondamental aux libertés publiques de la République.
Or, je constate que les propositions du FN vont à l'encontre des valeurs républicaines pour lesquelles je suis entré au service de l'Etat, dans ce service public si magnifique qu'est la justice. Donc pour moi c'est très clair: si le Front national vient au pouvoir, je ne serai plus magistrat, je démissionnerai de mes fonctions.
Il y a quelques jours Marine Le Pen est revenue sur un point de l'Histoire qui me paraît fondamental. Elle parlait de la rafle du Vel d'Hiv' et estimait que l'Etat français n'était pas responsable, à ses yeux, de celle-ci. Moi, quand je suis entré dans la magistrature, je me suis dit, dès la première seconde, que si j'avais été magistrat pendant la Seconde guerre mondiale, je n'aurais pas prêté serment au maréchal Pétain et j'aurais immédiatement démissionné. Je n'ai jamais compris pourquoi, en France, un seul magistrat, Paul Didier, avait refusé de prêter serment à la personne du maréchal Pétain.
"C'est une position personnelle"
Toutefois, je ne dis pas que Marine Le Pen est le maréchal Pétain. Je ne confonds pas les choses. Simplement, je pense que nous sommes dans une période très sombre de l'histoire, où le populisme gagne sur tous les fronts, un peu partout dans le monde. Et, où des programmes, tels que celui de Marine Le Pen, portent des atteintes qui me paraissent irrémédiables à la République. Donc, dans l'esprit de ce qu'il s'était passé dans les années 40, la réponse, pour moi, est exactement la même, même si la situation historique est différente.
Ce n'est pas une position politique. Je n'appelle pas à voter ni pour, ni contre. Je ne lance un appel à personne. C'est une position personnelle, qui concerne la conception que j'ai de l'Etat, du service public, de la justice et de la fonction de magistrats.
Cependant, je pense que tous ceux qui servent le public et sont au service de l'Etat doivent se demander quelle est la portée de leur engagement et si les valeurs républicaines qu'ils portent et servent pourront encore être respectées si jamais le FN vient au pouvoir. C'est une question que tous les fonctionnaires doivent se poser. Donc si ma position est suivie par d'autres, je m'en réjouirais".