Victoire de François Fillon: "avec un score aussi large, il est en position de force"

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Yves-Marie Cann, directeur des études politiques à Elabe
"Ce que dit le résultat c’est qu’au final François Fillon terminera sans doute entre 65 et 70% des votes. C’est un résultat incontestable parce que les écarts sont importants. Et ça en fait aussi un candidat de la droite et du centre incontesté, adoubé par 3 millions d’électeurs. Il est en position de force pour représenter son camp à l’élection présidentielle.
Ce qui contribue d’autant plus à sa légitimité c’est la forte participation. Elle sera au moins aussi bonne qu’au premier tour, avec au moins 4,3 millions d’électeurs, sans doute un peu plus. Les Français se sont déplacés en masse à la primaire de la droite et du centre après la surprise du premier tour.
"On est vraiment sur l’adhésion à une personnalité"
La motivation des électeurs est sensiblement différente selon leurs votes. Pour les électeurs de François Fillon on est vraiment sur l’adhésion à une personnalité, à ce qu’il incarne en terme de rupture tranquille. Selon eux, François Fillon incarne la rupture promise par Nicolas Sarkozy en 2007, promesse de rupture qui ne s’est pas suffisamment concrétisée à leurs yeux. Il a su incarner cette promesse, en y ajoutant sa personnalité, son sérieux, qui sont des éléments qui lui permettent de faire la synthèse entre la promesse de la rupture et une présidence ‘normale’. Ce qu’ont beaucoup reproché les électeurs à François Hollande, c’est qu’il ne s’est jamais glissé dans les habits de président de la République. Avec François Fillon, ils retrouvent ce qu’ils attendent en terme de stature, de présidentialité.
Ce score aussi large place François Fillon en position de force. D’abord pour imposer son point de vue, son programme. Mais aussi pour imposer ses soutiens dans la future équipe de campagne et dans le futur organigramme des Républicains. En même temps, il va devoir aussi jouer la carte de la réconciliation, de l’union des droites et du centre. L’élection présidentielle ne peut pas se gagner avec les seules voix de cette victoire à la primaire. Il va lui falloir élargir son socle électoral, au-delà de la droite et du centre, pour se constituer une majorité à l’élection présidentielle.
"On entre aussi maintenant dans une phase de compromis"
Je dis au-delà de la droite et du centre parce que sur sa gauche, le PS est très divisé, mais il y aura toujours des électeurs de gauche. Et il y a aussi la poussée du Front National. Cela lui complique la tâche. On entre aussi maintenant dans une phase de compromis sur un certain nombre d’éléments programmatiques, qui ne font peut être pas l’unanimité au sein de la droite.
Le positionnement de François Fillon - que ce soit sur le plan économico-social ou sur des questions de société - peut sur le papier être une opportunité pour une candidature de gauche qui réussirait à faire la synthèse des différentes gauches. Parce qu’elle est très divisée. Mais dans la réalité, rien n’est acquis. Jour après jour, la gauche se divise, elle est dans un état de très grande fragilité. Elle n’a pas de champion incontesté, ça peut faciliter la tâche de François Fillon. A surveiller quand même: ce qu’il va advenir du poids électoral de Marine Le Pen au cours des prochains mois".