"On va sérieusement manquer d'eau": sommes-nous vraiment des enfants gâtés?

"Dans 20-30 ans, il n'y en aura plus". Moqué dans les années 2000 quand il faisait une ode à l'eau en marge d'une séance de sport filmée lors d'un reportage de France 3, Jean-Claude Van Damme n'était pas si loin d'avoir raison: l'eau se fait de plus rare sur Terre. Les phénomènes climatiques extrêmes s'accentuent toujours, et la sécheresse touche des zones de plus larges. En France notamment, avec un été 2022 particulièrement dévastateur qui a conduit à des feux de forêts massifs. Et des perspectives peu réjouissantes pour l'avenir à moyen terme...
Concernant l'eau, le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu a dressé un constat assez alarmant ce mercredi face à la sécheresse qui touche le pays. Il a ainsi fait part "d'inquiétudes très vives" à propos du niveau des nappes phréatiques dans certaines régions et estimé sur CNews que nous avons trop longtemps vécu "comme des enfants gâtés en pensant qu'on n'allait jamais manquer d'eau".
Un constat alarmant que partage totalement Marc Lomazzi, journaliste et auteur de France 2050, le scénario noir du climat (éd. Albin Michel).
"On a vécu pendant des décennies sur l'idée qu'il suffisait d'ouvrir le robinet et que ça coulait. Mais aujourd'hui, on a changé d'ère", lance-t-il ce jeudi matin dans "Apolline Matin" sur RMC.
"Il faut changer impérativement et rapidement de modèle agricole"
Pour appuyer ses dires, le ministre de la Transition écologique a notamment pointé du doigt la "bétonnisation" trop importante du territoire depuis les années 1960, qui empêche l'eau de s'infiltrer et de recharger les nappes.
"Ces 50 dernières années, on a plus artificialisé les sols qu'en 500 ans", a-t-il souligné, évoquant 2 millions d'hectares disparus sous le béton. "On s'est habitué à une forme de luxe et d'abondance qui n'est plus de saison", a conclu Christophe Béchu.
"Ça a commencé mais, dans les années qui viennent, on va sérieusement manquer d'eau", poursuit Marc Lomazzi sur RMC, qui estime qu'il va falloir rationner. "On a déjà perdu environ 14% de ressources en eau depuis 20 ans. D'ici 30 ans, ce sera 40% d'eau en moins, donc en toute logique il faudrait diminuer de 40% notre consommation".
Marc Lomazzi rappelle que les particuliers ne représentent que 25% de la consommation. Le plus gros consommateur est l'agriculture.
"Il faut changer impérativement et rapidement de modèle agricole pour aller vers de cultures moins gourmandes en eau. Il faut également sortir de l'élevage intensif. Là, on a un peu de retard à l'allumage", estime-t-il.
"Les pluies tombent mais ne s'infiltrent pas"
Beaucoup de détracteurs des restrictions d'eau estiment que les réserves d'eau douce sont suffisantes par rapport à notre consommation, et que la proportion d'eau sur Terre reste la même. Mais ce n'est pas aussi simple que cela.
"Le problème, c'est que l'on consomme 60% de l'eau au moment où on en a le moins, en été. Et les pluies qui tombent, à cause de l'accentuation de la sécheresse et l'artificialisation des sols qui a progressé en France de manière considérable, ne s'infiltrent pas", décrit-il.
Les mesures en place aujourd'hui seraient donc largement insuffisantes selon lui. Et il faut régler aussi le problème des fuites. Le président de la République Emmanuel Macron, a fait quelques annonces en ce sens en présentant un "plan eau" fin mars à Savines, près du lac de Serre-Ponçon, particulièrement affecté ces dernières années.
"Quand on écoute ce qu'il a dit, il demande une réduction de 10% de notre consommation d'eau d'ici 2030. Mais les 'assises de l'eau' qui s'étaient déroulées trois ans plus tôt réclamaient une réduction de 15% d'ici... 2025. Donc il a reculé l'objectif. Il y a un vrai retard à l'allumage", conclut Marc Lomazzi.