"Les lycéens, c’est comme le dentifrice": la jeunesse, l’un des enjeux du mouvement social
Les lycéens et les étudiants vont-ils se joindre au mouvement de contestation des retraites? C’est l’un des enjeux de la journée, ce mardi. Parce que les lycéens, c’est comme le dentifrice: lorsqu’ils sont sortis du tube, on ne peut plus les faire rentrer. La formule est ancienne et correspond à une réalité. C’est pour cela que le gouvernement surveille de près ce qui se passe dans les universités et les lycées, et qu’au contraire La France Insoumise fait tout pour rallier la jeunesse à la contestation.
Vendredi, Jean-Luc Mélenchon s’est adressé aux étudiants en leur disant: "Bloquez tout ce que vous pouvez". Et depuis, c’est le responsable de la jeunesse à LFI, le très jeune député Louis Boyard, qui a pris le relais en lançant son "Blocus Challenge". Un concours de blocus sur TikTok.
Mais est-ce que ces appels au blocage vont être suivis? Deux universités ont été touchées par des mouvements de blocage dès lundi, les campus de Lyon 2 et le site de Tolbiac à Paris. Dans d’autres facs, des assemblées générales ont voté des blocages pour ce mardi. C’est le cas à Angers et à Rennes, par exemple. Avant les vacances de février, une quinzaine d'universités ont déjà été plus ou moins bloquées. Mais pour l’instant, ce n’est pas massif.
En vérité, à ce stade, personne ne peut dire comment les choses vont tourner. Certains soufflent sur les braises en espérant une étincelle, mais une révolte de la jeunesse, cela ne se décrète pas.
Les mêmes questions s'étaient posées lors des deux précédentes réformes de retraites. En 2019, lors de la première réforme Macron, et en 2010 lors du passage de l'âge de départ à la retraite à 62 ans. Dans les deux cas, les manifestations syndicales avaient été massives. Surtout en 2010. Dans les deux cas, le gouvernement s'était inquiété de voir la jeunesse rejoindre le mouvement. En 2010, Nicolas Sarkozy avait demandé à son ministre de l’Education Luc Chatel de lui rendre compte heure par heure de la mobilisation des lycéens. Mais dans les deux cas, les étudiants et les lycéens n'avaient finalement pas vraiment rejoint la contestation.
Les jeunes ont souvent obtenu gain de cause
Globalement, ces dernières années, les mouvements de contestation de la jeunesse ont souvent obtenu gain de cause. En tous cas, plus souvent que les contestations syndicales et ouvrières. Sans remonter jusqu'à mai 68, qui est au départ un mouvement d’étudiants, la France a connu de grandes mobilisations de la jeunesse en 1983, 1986, 1998, 2003, 2006, pour ne parler que des plus importantes. Et plusieurs de ces mouvements ont fait reculer le gouvernement.
En 1986, la réforme Devaquet prévoyait une sélection à l'entrée des universités. Jacques Chirac, Premier ministre, avait finalement reculé devant l’ampleur des manifestations mais aussi à cause de la mort de Malik Oussekine, tué par des policiers à moto dans le quartier latin. En 1998, on l’a un peu oublié mais jusqu'à 500.000 lycéens ont manifesté contre une réforme du lycée défendue par Claude Allègre. Finalement, le gouvernement de Lionel Jospin avait dû faire beaucoup de concessions et promis 14.000 postes supplémentaires à l’Education nationale.
Plus récemment, en 2006, les étudiants s'étaient opposés au CPE, le contrat première embauche, une sorte de mini SMIC pour les jeunes. Trois mois de contestation, 39 universités en grève totale, jusqu’à 1 million de jeunes dans les rues, et finalement le gouvernement de Dominique de Villepin avait dû reculer.
Tout cela représente un certain nombre de victoires pour les mouvements étudiants. Les gouvernements ont souvent cédé parce que les mouvements de jeunesse n’ont pas de leaders avec qui on peut négocier, et puis parce que contrairement aux salariés, la grève ne coûte rien aux étudiants, et elle peut donc s'éterniser. Et c’est ce qui explique que l’on va regarder de près ce qui se passe aujourd’hui. On va surveiller le tube de dentifrice…