MeToo cinéma: casting, intimité... Les recommandations de la commission d'enquête parlementaire

La commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur les violences sexuelles dans la culture, créée à l'appel de la comédienne Judith Godrèche, avance 86 recommandations pour bloquer "la machine à broyer les talents", selon un rapport consulté mardi par l'AFP.
"Les violences morales, sexistes et sexuelles dans le monde de la culture sont systémiques, endémiques et persistantes", affirme sa présidente, l'écologiste Sandrine Rousseau, dans ce document devant être publié mercredi et nourri par l'audition de 350 personnalités du cinéma, de l'audiovisuel ou du spectacle.
Le casting, "lieu de tous les dangers"
Après avoir entendu acteurs (Jean Dujardin, Juliette Binoche...), producteurs ou agents pendant près de six mois, la commission réclame notamment de "poser le principe d'une interdiction" de la sexualisation des mineurs à l'écran et de "réglementer" les castings, "lieu de tous les dangers", en imposant qu'ils se tiennent dans des locaux professionnels et qu'ils excluent les scènes dénudées.
La commission, créée dans la foulée d'accusations de viols portées début 2024 par Judith Godrèche du temps où elle était mineure, appelle également à "étendre la présence obligatoire d’un responsable des enfants à toutes les productions artistiques".
La sélection des acteurs se ferait désormais uniquement "dans des locaux professionnels, pendant les heures ouvrables, en présence de deux personnes au moins". Il faut aussi interdire "de demander aux comédiens de se dénuder et de leur faire réaliser des essais sur la base de scènes d'intimité ou à caractère sexuel (à moins qu'un coordinateur d'intimité n'assiste à l'essai)".
Lutter contre "la sexualisation des mineurs"
La commission veut interdire "la sexualisation des mineurs à l'écran et dans les photos de mode, par exemple en les montrant en sous-vêtements", avec une liste d'exceptions "très limitatives".
Cette proposition choc doit permettre de lutter contre "l'idée qu'il est licite de porter un regard chargé de désir sur des mineurs", écrit la commission qui appelle à une "prise de conscience des milieux artistiques (...) quant aux conséquences de telles représentations". En ligne de mire, une longue tradition de "sexualisation du corps des enfants" dans l'art, souligne le rapport.
Le texte cite les films de Christophe Ruggia, qui a fait appel de sa condamnation pour agressions sexuelles sur l'actrice Adèle Haenel, de Jacques Doillon et Benoît Jacquot, dénoncés par Judith Godrèche, les photographies de David Hamilton, "accusé d'avoir commis plusieurs viols au cours de sa carrière", ainsi qu'une campagne publicitaire pour la marque de mode Balenciaga, mettant en scène de très jeunes enfants avec des accessoires sado-masochistes.
Encadrement des scènes d'intimité
Elle recommande plus généralement d’encadrer les scènes d'intimité en imposant "des clauses détaillées au contrat" et la possibilité pour les comédiens d'avoir recours à un coordinateur dédié et formé.
Du côté des institutions, la commission étrille le fonctionnement de la Maîtrise des Hauts-de-Seine, vivier réputé de jeunes chanteurs d'opéra dont le chef Gaël Darchen est visé par cinq plaintes pour agressions sexuelles. Une enquête judiciaire est en cours.
Evoquant "un gâchis humain et un désastre moral", le rapport appelle à l'ouverture "au plus vite" d'une enquête du préfet et de la chambre régionale de la Cour des comptes sur cette structure.
"Fermer les yeux revient à être complice"
Dans son rapport, la commission révèle également avoir saisi la justice sur le Théâtre du Soleil après qu'une comédienne a affirmé en audition y avoir été victime d'une tentative de viol fin 2010. Face aux députés, elle avait également décrit des "dérives sexuelles" au sein de la troupe fondée en 1964 par Ariane Mnouchkine, qui a réagi en lançant une enquête interne.
De manière générale, la commission se félicite d'avoir "levé enfin le voile sur les insécurités et dérives" dans la culture et espère que son rapport fera date. "Fermer les yeux revient à être complice", conclut-elle.