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Dette de la France: les agences de notation rendent leur verdict, à quoi faut-il s'attendre?

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Les agences Fitch et Moody's vont communiquer ce vendredi leurs notations de la France en matière de dette. Cette annonce aura-t-elle des conséquences directes sur les investissements ou sur les Français? La réponse pourrait n'être que de l'ordre politique.

La France sous pression? Régulièrement notée, sa dette recevra ce vendredi 26 avril un nouveau bulletin de notes des agences Fitch et Moody's. L'économie française tourne aujourd'hui au ralenti, avec un abaissement de 1,4% à 1% de la croissance attendue cette année et la nécessite de réaliser 20 milliards d'euros d'économies.

Dans un tel contexte, ce verdict aura-t-il des conséquences directes sur les Français en matière d'impôts, et par extension sur le pouvoir d'achat? Ce scénario ne semble pas au programme. Mais un autre poste de dépenses pourrait pâtir d'une mauvaise notation.

"Le gouvernement s'est engagé à être dans une maîtrise de la dépense et de la dette", explique Elie Cohen, économiste et directeur de recherche au CNRS. La capacité du pays à baisser son déficit, qui est de 5,5% du PIB en 2023 au lieu de 4,9% comme espéré, est ainsi jugée.

"Soit on baisse les dépenses, soit on augmente les impôts. Jusqu'à présent, le gouvernement s'y est refusé, considérant que c'est un des éléments de l'attractivité du pays, donc on baisse la dépense, mais le principal poste de dépense est la protection sociale", détaille l'économiste. Soit l'emploi, la santé ou encore le logement.

Des conséquences sur les investissements?

Ces évaluations sont aussi importantes pour les investisseurs qui mesurent l'intérêt d'acheter de la dette française, qui s'élève aujourd'hui à plus de 3.000 milliards d'euros. Celle-ci est d'ailleurs jugée comme un très bon risque et les acheteurs ne manquent pas. Mais le prix d'achat pourrait bien évoluer.

"Le contexte a un peu changé, car on est sur une tendance de hausse des taux. On a connu une période pendant 10 où les taux n'ont pas arrêté de baisser, où on pouvait emprunter pour rien du tout et, depuis quelques mois, à cause de la reprise de l'inflation, de l'instabilité mondiale, les taux ont commencé à remonter et le coût de la dette commence à peser", explique Elie Cohen.

L'invité du jour : Élie Cohen - 26/04
L'invité du jour : Élie Cohen - 26/04
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Le coût de cette dette pourrait ainsi devenir le premier poste budgétaire. Aujourd'hui, elle est "l'équivalent du budget de la Défense" et "dans trois ans, ça va atteindre le niveau de l'Education", ajoute le spécialiste.

Pour l'économiste François Geerolf, les investisseurs sont toutefois déjà au fait de ces chiffres. "Ceux qui investissent dans la dette française se sont déjà faits une idée, ont déjà anticipé", explique-t-il au micro de RMC. "Ils ont vu que le déficit public de la France avait très fortement augmenté, donc ils ont déjà pris ça en compte dans le prix auquel ils achètent la dette et donc le taux auquel ils prêtent à l'Etat français", ajoute-t-il.

Un risque sur le terrain politique

C'est surtout sur le plan politique que les résultats de Fitch et Moody's pourraient poser problème à l'exécutif. Le gouvernement considère ces évaluations comme un simple indicateur. "Elles ne sont que des commentatrices, ça ne va pas affoler les marchés", glisse une conseillère.

Le ministère de l'Economie rappelle quant à lui que la dette française reste parmi les plus sûres et que le gouvernement a une méthode pérenne pour redresser les finances publiques.

Mais la France n'est pas à l'abri de recevoir un bonnet d'âne à la suite de ses dérapages en matière d'économie. L'année dernière, l'agence Fitch était déjà passée à l'action en abaissant d'un cran la note de la France, à AA-. Si elle ne devrait pas recommencer cette année, Moody's et S&P's (Standard & Poor's) pourraient sanctionner le pays. La notation deviendrait alors A.

Autrement dit, la capacité de l'Etat à rembourser ses titres de dette passerait de très forte à forte. Pas de quoi inquiéter les marchés financiers et les inciter à augmenter leurs taux d'intérêt, mais suffisamment pour nourrir les oppositions.

Car la notation la plus attendue est celle de S&P's, qui sera dévoilée le 31 mai, à seulement neuf jours de l'élection européenne. Le risque d'essuyer des critiques de la partie adverse est donc réel. Certains ont d'ailleurs déjà donné un avant-goût en qualifiant, avec ironie, Bruno Le Maire, de "Mozart de l'économie".

Victor Joanin, Cyprien Pézeril avec Mélanie Hennebique