Où en est la colère agricole avant le début du Salon de l'agriculture? "C’est de plus en plus compliqué"

Cette semaine, le gouvernement a défendu son bilan, mettant en avant les 500 millions d'euros d'allégement de charges fiscales prévus dans le budget, le soutien à la trésorerie pour les agriculteurs en difficulté, ou encore les indemnisations pour les propriétaires d’élevages touchés par les épizooties. "Malgré un contexte politique difficile, l'État a honoré l'ensemble de ses engagements", a assuré la porte-parole du gouvernement Sophie Primas, mercredi, à l'issue du Conseil des ministres.
L'an dernier, le président de la République avait été chahuté dans les allées de la Porte de Versailles, alors que la colère agricole avait poussé des centaines de tracteurs sur les routes, jusqu'à Bruxelles.
"Catastrophique"
Dans quel état d'esprit sont les agriculteurs aujourd'hui? RMC a suivi un vétérinaire rural dans l'Yonne, pendant une journée de consultations sur des exploitations agricoles. “On a trop de papiers à remplir, ça ne peut plus aller, on est tués avec ça, tous les jours des papiers, des papiers, des papiers”, dit Remi, les pieds dans la paille et le moral au plus bas et qui assiste à la césarienne de l'une de ses vaches.
Même si le gouvernement promet une simplification, il n’y croit pas: “oh, il y a longtemps qu'on entend parler de ça! Pour moi, c'est compliqué, et de plus en plus”. L’avenir, il ne le visualise plus. L'avenir, c'est le sourire résigné de Matthieu, 24 ans. Lui a été manifester l'an dernier. “Mais c’était inutile, zéro. Il faudrait que personne n’y aille au Salon, pas une bête. Peut-être que là, ça les ferait causer”, assure le jeune homme.
Dehors, père et fils regardent les haies du bocage: cela représente deux mois d’entretien et deux mois de taillage. Ils espèrent moins de normes, mais assurent défendre l’environnement. Ils ont pourtant le sentiment d’être accusés du contraire.
Marc Arbona, le vétérinaire, sillonne le département et entend les difficultés de plus de 300 fermes. Cette année, “en récolte, c'est catastrophique, il y a eu de la pluie depuis 18 mois, rien ne pousse, tout pourri. Pour l'élevage, la fièvre catarrhale a causé des problèmes de fertilité sur les vaches et je pense qu'il va manquer au moins 20% de veaux à la fin de l'année.”
"Personne ne veut de nous"
Arrivée chez Nicolas, Marc Arbona fait des prises de sang après la mort de deux veaux. Des pertes, alors que l'éleveur ne dégage déjà que 500 euros par mois et n’entend pas parler de revenu des agriculteurs depuis un an. “Ça serait bien qu’on ait un revenu un jour, mais je pense qu'on prend le problème à l'envers: il ne faut pas augmenter le prix des vaches parce qu'on n'arrivera plus à vendre la viande. Il faut qu'on baisse le prix des charges et le prix du matos”.
Entre deux rires amers, le quadragénaire lâche: “je vais la prendre plus jeune, moi, la retraite”. “Qu'est-ce que tu veux qu'on fasse, ça ne sert à rien, personne ne veut de nous. Dès qu'on sort les tracteurs ça fout de la merde”, poursuit-il.
Et le docteur désespère: “ici, on est dans un secteur où il y avait une pression des jeunes énorme, il n'y avait pas assez de terre pour installer les jeunes... Et en dix ans de temps, on a trop de terres pour installer le nombre de jeunes, c'est que les jeunes ne veulent plus faire ce métier-là, c'est devenu trop dur, pas assez rentable”.
Les exploitants peinent à vendre et cèdent souvent leurs terres à leurs voisins, qui ne cessent de s’agrandir, explique le vétérinaire. Mais "on n'a pas le temps de penser à des solutions" plaide-t-il. Ici, même les syndicats sont décriés, et n'arrivent plus à convaincre.