Gaza: pourquoi la résolution de l’ONU sur un cessez-le-feu montre un tournant des Etats-Unis

Le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté ce lundi une première résolution sur Gaza. Pour la première fois depuis le mois d'octobre, l'ONU exige un cessez-le-feu immédiat. Il y avait depuis la fin de la semaine dernière un consensus à l’ONU pour demander à Israël de cesser les bombardements sur Gaza. Encore fallait-il trouver les mots pour l’écrire. En fin de semaine dernière, les Etats-Unis, fidèles soutiens, avaient proposé un texte, mais la Russie et la Chine l’avaient rejeté jugeant la mouture américaine trop ambiguë.
Les dix pays membres non permanents du Conseil de sécurité ont alors passé tout le week-end à formuler une demande de cessez-le-feu qui puisse convenir à tout le monde. Et surprise, ce lundi: les Etats-Unis se sont abstenus, si bien que la résolution a été adoptée avec 14 voix pour, dont la France, et une seule abstention. Ce texte exige un cessez-le-feu immédiat à l’occasion du ramadan, qui a commencé il y a déjà deux semaines. Il exige aussi la libération immédiate et sans condition de tous les otages. La résolution réclame enfin la levée de tous les obstacles à l'entrée de l’aide américaine.
Les Américains estiment que le cessez-le-feu pourrait entrer en vigueur dès que le Hamas aura libéré un premier otage. Le Hamas, lui, se félicite de l’adoption de cette résolution et se dit prêt à engager immédiatement un processus d'échange de prisonniers. Mais les Israéliens sont furieux. Ils estiment que cette résolution et surtout l'abstention américaine nuisent à leurs efforts pour libérer les otages. Ils se sentent surtout lâchés par les Etats-Unis.
La France salue cette résolution qu’elle a votée et qui met fin à un silence jugé “assourdissant”. Paris appelle à aller plus loin, vers un cessez-le-feu permanent et l’ouverture de négociation en vue d’une solution politique avec deux Etats. On n’en est pas là…
Israël va-t-il ignorer la résolution?
Est-ce qu'Israël est obligé d’appliquer cette résolution? Théoriquement, oui. Mais en réalité, pas du tout. Les décisions du Conseil de sécurité sont contraignantes et tous les pays membres sont censés les appliquer ou les faire appliquer. La demande d’un cessez-le-feu immédiat devrait aboutir à un cessez-le-feu. Mais dans les faits, depuis 1945, l’ONU a voté 1.500 résolutions sur ce conflit et des dizaines n’ont pas été suivies d’effet. Le journal israélien Haaretz a compté au moins 90 résolutions violées par Israël. Si les combats se poursuivent, cela en fera une de plus…
Mais ce vote montre tout de même un tournant de la politique américaine. Et c’est important. Les Américains envoient un message aux Israéliens. Ils leur disent: "ça suffit". Et ils leur demandent surtout de ne pas lancer la bataille de Rafah, la grande ville tout au sud de la bande de Gaza, la seule où l'armée Israélienne n’est pas encore entrée. Et c’est là que se masse 1,5 million de personnes, tous ceux qui ont fui les combats dans les autres villes. Les Américains ne veulent pas d’une nouvelle bataille sanglante avec des pertes civiles. L’administration Biden est de plus en plus préoccupée par les rapports sur la malnutrition voire la famine dont souffrent les Palestiniens de Gaza. Joe Biden fait pression sur Benyamin Netanyahu pour que cette bataille n'ait pas lieu. Mais les Israéliens continuent à la préparer.
Et pendant ce temps-là, une autre bataille est en cours. Cela fait une semaine maintenant que Tsahal et le Shin Bet, l'armée et le service de renseignement, mènent des combats à l'intérieur de l'hôpital de Shifa. C’est le plus grand hôpital de la ville de Gaza. Il avait déjà été investi par l'armée en novembre, qui y avait découvert quelques armes et quelques tunnels. Mais depuis une semaine, c’est de nouveau une opération de grande ampleur qui est en cours.
L'armée israélienne affirme avoir tué 140 terroristes et 650 hommes armés, dont de très importants chefs du Hamas, comme le numéro deux des Brigades du nord ou bien le chef des tunnels de Gaza. On n’a aucune image de ces combats meurtriers à l'intérieur d’un hôpital. On ne peut qu’imaginer… Mais c’est sans doute militairement le plus grand succès israélien en cinq mois de guerre.